Vers un marketing 10.0 ?

Nous vivons actuellement une période de transformation profonde, aussi bien au niveau des médias, des supports, des outils et des usages. Cette transformation digitale nous pousse à remettre en question nos pratiques de communication et nos méthodes. Mais plutôt qu’une dynamique de remplacement, nous constatons au quotidien que tout se cumule : nous utilisons au quotidien des médias, supports et outils à la fois analogiques et numériques. Certes, le numérique prend le pas sur l’analogique, mais vous feriez une grave erreur en adoptant une approche séquentielle des pratiques marketing.

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Le marketing 1.0 est plus que jamais d’actualité

Quand j’ai commencé ma carrière professionnelle, la TV était le média de référence et le commerce en ligne était encore balbutiant en France. 20 ans après, le contexte à énormément changé : 2/3 des adultes possèdent un smartphone et le commerce en ligne en Europe va dépasser la barre des 500 MM € en 2016. Dans ce nouveau contexte de marché, il est tout à fait normal que les annonceurs investissent une part toujours plus importante de leur budget sur les supports numériques. Aujourd’hui, la majeure partie de ces budgets est utilisée pour faire la promotion des produits ou services, c’est ce que l’on peut définir comme le marketing de l’offre. Ce marketing 1.0 s’exprime sous différentes pratiques : bannières, bannières vidéo, publicités natives, affiliation, emailing, référencement payant… Des pratiques qui ont fait leurs preuves et qui sont parfaitement intégrées dans les plans marketing des annonceurs.

Abandonner les pratiques historiques du e-marketing serait une grave erreur, car ce sont celles qui délivrent le meilleur ROI à court terme. Voilà pourquoi ce sont celles qui sont encore aujourd’hui les plus utilisées (cf. Les tendances générales du Marketing en 2016).

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En résumé : promouvoir vos produits ou services sur des supports numériques à l’aide de pratiques “1.0” n’est pas un problème dans la mesure où ça fonctionne. Il faut simplement être vigilant sur la pression publicitaire et sur une utilisation trop systématique des promotions.

Le marketing 2.0 bénéficie de la puissance des plateformes

Je pense ne rien vous apprendre en vous disant que les plateformes sociales comme Facebook ou YouTube ont remplacé les portails et dominent le web. Avec ces plateformes sont nées des pratiques marketing dites “2.0” où l’objectif n’était plus de vendre des produits, mais d’engager les cibles avec des contenus à valeur ajoutée. Nous sommes alors rentrés dans l’ère du marketing participatif et du marketing viral. Une ère où le client était au centre des dispositifs, il fallait avant tout lui parler de lui et non de l’offre.

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Si les pratiques historiques du marketing délivrent le meilleur ROI, tout le monde s’accorde sur l’importance d’exploiter les plateformes sociales pour augmenter la visibilité de la marque et maintenir la valeur perçue. Certes, être présent et actif sur les médias sociaux représente un certain coût, mais négliger les grandes plateformes sociales (Facebook, Instagram, YouTube…) serait une énorme erreur, car elles  touchent une très large audience et permettent de développer une relation de proximité.

Plus généralement, s’appuyer sur les utilisateurs pour relayer un message ou recommander un produit est une démarche qui a fait ses preuves. Elle a d’ailleurs été immortalisée dans le livre The Cluetrain Manifesto par le célèbre manifeste : “Les marchés sont des conversations“. Le marketing 2.0 ne remplace donc pas le marketing 1.0, il le complète et lui apporte une dimension conversationnelle en s’adressant aux clients de façon plus individualisée. La contrepartie est de devoir créer des contenus spécifiques (n’espérez pas faire illusion en recyclant vos bannières en messages sponsorisés et vos pubs TV en vidéos promues, ça ne fonctionne pas).

Derrière chaque client, il y a un humain. Et derrière chaque marque ?

Plus récemment, nous avons vu apparaitre un certain nombre de réflexions sur la place des marques dans notre quotidien et le rôle qu’elles peuvent jouer pour améliorer notre société. Après avoir été centré sur l’offre (1.0) et sur le client (2.0), le marketing 3.0 est orienté valeurs. L’important n’est plus de vendre ou d’engager, mais de satisfaire les clients avec des offres et des pratiques moins agressives, plus respectueuses, plus humaines. Pour y parvenir, une marque doit définir une vision (quel avenir envisage-t-elle ?) et une mission (qu’est-ce qu’elle cherche à accomplir ?). En d’autres termes : une marque doit exposer un plan pour améliorer le quotidien de ses clients ou pour rendre le monde meilleur (c’est le fameux “Making the world a better place“). Pour en savoir plus sur le marketing 3.0, je vous recommande la définition de Wikipedia où le livre de Philip Kotler (Marketing 3.0: From Products to Customers to the Human Spirit) dont vous trouverez un résumé ici : Les 10 principes clés du Marketing 3.0.

Autant vous spoiler tout de suite : ce n’est certainement pas avec des interstitiels et des campagnes prix / produit qu’une marque peut y parvenir. Le programme LEAN Ads de l’IAB s’inscrit dans cette démarche avec des engagements pour limiter les nuisances provoquées par la publicité en ligne (ils partent de loin).

Les pratiques de design thinking peuvent également s’inscrire dans ce cadre : concevoir des produits ou des offres à partir des besoins réels des clients, qui respectent leurs contraintes et les aident à régler une problématique récurrente. Modéliser la customer journey de vos clients est ainsi une démarche très enrichissante pour bien comprendre les tensions ou frustrations auxquelles ils sont confrontées. Négliger cette approche centrée sur l’humain et sur des valeurs sociétales engagera votre marque dans la voie de la banalisation : vous serez considéré comme un fournisseur lambda et subirez la pression de fabricants asiatiques privilégiant les prix bas à la qualité (nous savons tous qui finira par remporter cette bataille).

Bien évidemment, cette approche “3.0” du marketing ne peut pas se substituer aux deux précédentes. L’idée est d’étudier avec précision le parcours client, d’en extraire une vision et d’en déduire une offre. Mais une fois ceci fait, il vous faudra encore faire connaitre cette offre (marketing 1.0) et confronter votre vision à la communauté des clients et prospects pour voir s’ils y adhèrent (marketing 2.0).

Le marketing 4.0 est déjà là, mais vous étiez trop débordé pour vous en rendre compte

Nous sommes à la fin de l’année 2016 et les dernières innovations technologiques ont profondément bouleversé les pratiques de marketing et de communication. Les systèmes de collecte, traitement et exploitation des données à grande échelle nous permettent maintenant d’acheter des emplacements publicitaires de façon automatisée en y intégrant des critères de ciblage très fins (descendant jusqu’au niveau des individus) ainsi qu’une négociation du prix en temps réel. Le programmatic buying devrait bientôt représenter plus de la moitié des achats publicitaires (The global state of programmatic now).

Et ce n’est que le début, car les progrès réalisés en matière d’intelligence artificielle permettent également d’optimiser les enchères sur les résultats de recherche sponsorisés (Le référencement payant arrive à maturité) ainsi que les pages et emails transactionnels (Could AI kill off the conversion optimisation consultant?). Dopé par le machine learning, la tendance à l’automatisation se propage petit à petit dans tous les autres domaines du marketing, aussi bien BtoC (IBM’s Weather Company employs Watson to boost its updated ad targeting platform) que BtoB (Salesforce looks to the future with Einstein artificial intelligence).

Tout comme l’industrie 4.0, le marketing 4.0 peut se définir comme les pratiques d’automatisation reposant sur une exploitation systématique de grandes quantités de données. Le but n’est donc plus de vendre l’offre (1.0), d’engager les clients (2.0) ou d’exposer des valeurs (3.0), mais d’optimiser les performances et de chercher à anticiper les besoins. Ne pas tirer profit de ces solutions d’automatisation et de l’exploitation des données, c’est prendre le risque de se faire dépasser par une concurrence qui n’hésitera pas à pratiquer le marketing prédictif.

Je précise au passage que Philip Kotler, qui est toujours dans les bons coups, prépare la sortie d’un nouveau livre pour la fin de l’année (Marketing 4.0: Moving from Traditional to Digital). Comme quoi, cette histoire de marketing 4.0 est bien plus sérieuse que son nom ne laisse paraitre. Je veux bien reconnaitre que tout ceci peut sembler bien futile aux yeux d’un néophyte, ou de toutes celles et ceux qui sont noyés dans leur quotidien, et pourtant cette quatrième évolution du marketing est en cours (cf. De l’inévitable rapprochement entre marketing et technologie).

Vous noterez que le système de numérotation communément admis pour le marketing n’est pas tout à fait aligné avec celui du web. Néanmoins, vous pourrez égaleemnt constater qu’on retrouve les mêmes thèmes : temps réel, données, intelligence artificielle, bienveillance…

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Comme précédemment, ces pratiques de marketing “4.0” ne remplacent pas les autres, elles permettent d’optimiser les actions liées à la visibilité de l’offre (1.0), d’améliorer le traitement des conversations (2.0) et d’affiner la modélisation du parcours client (3.0).

1.0 + 2.0 + 3.0 + 4.0 = 10.0

Encore une fois, j’insiste sur le fait que rien de ce qui est décrit plus haut n’est inventé ou extrapolé. Les approches 1.0, 2.0, 3.0 ou 4.0 du marketing correspondent à des pratiques courantes.

N’allez pas vous imaginer devoir choisir votre camp, car vous n’en aurez pas besoin. Comme expliqué tout au long de l’article, les pratiques de marketing 1.0, 2.0, 3.0 ou 4.0 ne sont pas meilleures que les autres si elles sont prises individuellement, car elles se complètent. J’envisage ainsi une approche totale du marketing où toutes ces pratiques seraient mises en oeuvre dans un souci de cohérence et d’intégration : il n’y a pas de remplacement ou de substitution, ces pratiques se nourrissent les unes des autres.

Pour résumer mon propos, je vous propose le schéma suivant :

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Est-ce bien sérieux de parler de marketing 10.0 ? Oui je pense, car cela permet de bien faire comprendre l’intérêt de cumuler ces pratiques plutôt que de chercher à courir après une innovation miraculeuse qui va soi-disant vous permettre de compenser vos faiblesses (positionnement, ciblage, USP…) et rattraper votre retard (notamment auprès de millenials).

Conclusion : ne déléguez pas entièrement la gestion de vos actions de communication à une machine, mais ne vous laissez pas non plus prendre de vitesse par la concurrence. Rentrez en conversation avec vos clients, mais uniquement si vous avez des choses intéressantes à dire ou si vous êtes dans une réelle posture d’écoute. Et surtout, ne négligez jamais le facteur humain et la sensibilité des clients. Que du bon sens !