Le retail media est la meilleure solution au blocage des identifiants publicitaires

Vous n’êtes pas censé ignorer que les pratiques de publicité en ligne sont fortement perturbées par le blocage des identifiants publicitaires imposé par Google et Apple. Heureusement, il existe des alternatives pour contourner ces limitations, notamment les offres de publicités natives sur les sites de commerce en ligne, une aubaine pour des annonceurs coincés entre le marteau (les big tech) et l’enclume (le régulateur) qui sont en recherche de performances publicitaires.

La très large majorité des publications et conversations portant sur le numérique étant monopolisée par les IA génératives, je vous propose de changer de sujet et de poursuivre mes réflexions sur l’évolution du marché publicitaire. Pour mémoire, le marché de la publicité numérique est en ébullition depuis deux ans à cause des restrictions d’accès aux cookies et aux identifiants mobiles (Enjeux et solutions face au blocage des identifiants publicitaires). L’équation que les annonceurs essayent de résoudre est la suivante : comment améliorer le ciblage et la mesure des publicités sur les supports numériques alors que l’accès aux données et au traçage des utilisateurs est de plus en plus compliqué ?

Croyez ou non, mais la solution est sous nos yeux depuis le début : avec le confinement, nous avons assisté à un report des achats sur le commerce en ligne (qui représente plus de 15% du commerce total), donc un accroissement logique de l’audience des boutiques en ligne (qui touchent maintenant plus de 80% des internautes en France, soit près de 42 M d’acheteurs). Le sujet dont je vais parler dans cet article est la transposition des pratiques de PLV (publicité sur les lieux de vente) aux supports numériques, le retail media.

Les plus assidus sur ce sujet noteront que cette discipline n’est pas neuve, en témoigne cet article publié en 2015 par Google : Le trade marketing 2.0, une nouvelle opportunité. Sinon pour les autres, vous apprendrez que si le commerce en ligne ne représente qu’1/4 des transactions à l’échelle mondiale, c’est un quart très convoité, car les leviers de promotion des produits et marques y sont bien plus puissants qu’en magasins (In-Store Retail Media 2023).

Retail media = e-PLV

Commençons par le commencement avec cette définition :

Le retail media est une méthode de publicité qui consiste à utiliser les espaces publicitaires disponibles sur les sites de commerce en ligne pour faire la promotion de produits. Cette stratégie publicitaire permet aux marques de toucher les consommateurs au moment où ils sont les plus susceptibles d’effectuer un achat.

D’un point de vie étymologique, parler de “retail media” est un abus de langage, car ce terme désigne l’ensemble des pratiques publicitaires s’appuyant sur des distributeurs en et hors ligne. Le retail media dans sa globalité concerne en fait trois types de supports :

  • les emplacements publicitaires sur les lieux de vente physiques (ex : têtes de gondole, panneaux stop rayon, affichettes dans les chariots…) ;
  • les emplacements publicitaires sur la boutique en ligne du distributeur (ex : pages catégorie, résultats de recherche sponsorisés…) ;
  • les emplacements publicitaires sur des sites affiliés qui exploitent les données des distributeurs pour faire du ciblage affinitaire (en fonction du profil et des achats précédents) ou comportemental (en fonction des catégories ou produits visités).

C’est bien du deuxième type de supports que je parlerai dans cet article : la publicité native intégrée dans les boutiques en ligne et places de marché. Illustration ci-après avec les emplacements proposés sur Instacart :

Précision importante, je n’oppose absolument pas la publicité sur les points de vente physique et numérique, car ces deux supports sont parfaitement complémentaires, et fonctionnent de plus de façon totalement différente : Les PLV traditionnelles sont plutôt empiriques (elles ne répondent pas à une logique reposant sur une science exacte, mais restent très efficaces) ; tandis que les e-PLV sont très puissantes si elles sont combinées à des solutions de publicité programmatique, car elles permettent de faire du ciblage individuel d’intentionnistes sans subir les limitations d’accès aux identifiants publicitaires (puisque reposant sur les données first-party des distributeurs).

Quand il est fait référent au “retail media”, on parle généralement de “e-retail media on-site”… Sauf pour le “in-store digital retail media”, c’est à dire les panneaux d’affichage numériques dans les rayons, que vous ne devez surtout pas confondre avec les “simples” panneaux d’affichage numérique qui sont inertes (What is In-store Retail Media and what has it got to do with Digital Signage?).

Comme vous pouvez vous en rendre facilement compte, ça jargonne dur dans le milieu, mais il faut passer outre, car c’est une pratique devenue indispensable dans la mesure où elle permet de toucher des dizaines de millions de clients à travers de nombreuses enseignes :

Intéressons-nous maintenant à la taille de ce marché.

30% de croissance annuelle

Comme expliqué en début d’article, avec la forte progression du e-commerce ces trois dernières années, les emplacements publicitaires sur les boutiques en ligne connaissent un grand succès dans de nombreux pays : Les dépenses publicitaires du retail media de 10,3 M€ en 2022 à 21,2 M€ en 2025, selon IAB Europe.

Une croissance qui est alignée avec celle que l’on peut constater sur le marché français grâce à la dernière édition de l’Observatoire de la e-Publicité.

Pour mieux comprendre les subtilités des pratiques de retail media, je vous incite à lire ces deux livrets blancs pour comprendre les usages et enjeux : The retail media opportunity in Europe (par l’IAB Europe et Microsoft) et The State of Retail Media 2023 (par Skai).

Des pratiques qui bénéficient également de l’analyse de grands cabinets comme le BCG ou McKinsey : Le retail media a de beaux jours devant lui malgré quelques freins, Five myths about retail media et Retail media : le canal favori des annonceurs en 2023 ?

Je ne sais pas si l’on peut mesurer la maturité d’une pratique au nombre de livrets blancs publiés, mais ce qui est certain, c’est que quand vous commencez à voir fleurir des cartographies, c’est que le marché est résolument en train de se structurer : L’IAB France et La Mobile Marketing Association publient une mise à jour de leur Cartographie des principaux acteurs du Retail Media en France et Les principaux acteurs du retail media en France (par Stratégies).

Avec un tel intérêt porté par les annonceurs, les grandes enseignes de distribution se sont logiquement positionnées sur le créneau :

Et puisque le marché est maintenant structuré, il est possible de distinguer trois types de distributeurs :

  • les grandes enseignes alimentaires (Carrefour, Auchan, Leclerc, Intermarché, Casino, Cora, Système U, Chronodrive…) ;
  • les marketplaces (Cdiscount, Amazon, Rakuten…) ;
  • les enseignes spécialisées (Fnac, Darty, Boulanger, But, BricoDépôt, La Redoute, Sephora…).

Avec ces trois catégories, je pense que nous pouvons affirmer qu’il est possible de toucher quasiment tous les consommateurs possibles à la dernière étape de leur parcours d’achat, soit une excellente nouvelle à la fois pour les annonceurs, les distributeurs, mais également les consommateurs puisqu’ils ne sont exposés qu’à des publicités pour des produits correspondant à leurs recherches ou besoins. Ceci explique pourquoi le créneau du retail media atteint de tels montants sur des marchés bien mûrs comme les USA où les plus gros distributeurs réalisent plus de la moitié de leur C.A. publicitaire grâce aux supports numériques.

OK très bien, génial, mais le problème est que les annonceurs n’ont absolument pas le temps de négocier et mettre en oeuvre des campagnes auprès de chaque distributeur. D’où l’émergence de régies spécialisées dans le retail media comme Criteo ou CitrusAd.

Dans un grand élan patriotique (ceci n’est pas un article sponsorisé), je suis allé à la rencontre des équipes de Criteo pour en savoir plus sur leur offre et comprendre pourquoi ils se définissent comme un acteur du commerce media.

Criteo, le géant européen du commerce media

Historiquement spécialisée dans la recommandation personnalisée pour les sites de commerce en ligne, la société s’est ré-orientée rapidement vers le ciblage publicitaire (plus précisément le re-targeting), puis vers le retail media avec l’acquisition de Storetail en 2018 (cf leur manifeste : Commerce media et avenir de la publicité). Aujourd’hui, Criteo se targue d’avoir près de 3.000 salariés, une présence dans plus de 90 pays et une audience adressable de 725 millions d’utilisateurs.

Leur approche de retail commerce media est à la fois pragmatique et bien maitrisée, avec un positionnement parfaitement assumé : Voilà presque 25 ans que le commerce en ligne existe en France, les consommateurs sont maintenant beaucoup plus avertis et n’hésitent pas à changer leurs habitudes, surtout avec la remontée récente de l’inflation (The Rise of Savvy Shoppers). La proposition de valeur de Criteo est d’aider les marques à faire changer d’habitude les consommateurs en orientant leurs achats vers un produit plutôt qu’un autre grâce à un apport de visibilité directement sur les lieux de vente en ligne.

Une promesse particulièrement alléchante, car les consommateurs sont en moyenne exposés à 7 fois moins de produits lorsqu’ils font du commerce en ligne que lorsqu’ils sont en magasin, et c’est encore pire sur smartphone ! Le retail media est donc une forme de publicité douce qui répond à un double bénéfice : un complément de revenus pour les distributeurs qui monétisent leurs emplacements et leurs données consommateurs, ainsi qu’une expérience d’achat valorisante pour les consommateurs auquel ont ne propose que des produits qui correspondent à leur besoin et qui sont en stock.

Dans la mesure où l’exposition aux produits se fait au plus près de l’acte d’achat, les pratiques de commerce media sont à la frontière entre la publicité et la vente, donc en plein dans le territoire du trade marketing qui représente un poids énorme pour les marques de produits de grande consommation, celles-là mêmes qui souffrent de la disparition progressive des prospectus et catalogues papier.

Concrètement, l’offre de Criteo se présente comme une plateforme entre les distributeurs et les marques, ainsi que leurs agences média (cf. Qu’est-ce que le commerce media ?). Plus de 160 distributeurs sont référencés sur la plateforme (Target, Macy’s, Asos…). En France, se sont 8 des 12 plus gros distributeurs faisant du retail media qui sont aujourd’hui partenaires de Criteo qui se spécialise maintenant sur des verticales non-alimentaires comme les produits de cosmétologie ou l’habillement.

J’ai pu tester la solution quelques minutes, elle est plutôt simple à prendre en main et propose une interface agréable et intuitive où l’on peut étudier les résultats de chaque campagne avec des détails sur chaque enseigne / produit, parfaite pour les responsables de marque qui n’ont ni l’envie ni le temps de se familiariser avec les solutions de chaque distributeur.

Je n’irai pas plus loin dans la promotion de Criteo, car ce n’est pas le but de cet article, mais c’est toujours une bonne chose d’avoir une vue de l’intérieur d’un potentiel leader mondial sur un créneau en pleine ébullition. Car oui, la publicité en ligne est en grand danger à cause du blocage des identifiants publicitaires (Le duel des GAFA pour contrôler le marché de la publicité numérique). C’est donc une très bonne chose pour les annonceurs d’avoir une alternative viable, et c’est encore mieux si c’est une société française qui tire le marché vers le haut ! 🐓🇫🇷

Et puisque l’on aborde la question, concluons cet article avec les perspectives d’évolution.

Toujours plus d’inventaire et une mesure plus précise

Jusqu’à récemment, le marché de la publicité en ligne était dominé par Google et Facebook/Meta, qui ne craignaient que la concurrence d’Amazon, le leader historique du retail media. Avec les restrictions d’accès aux identifiants publicitaires et la montée en puissance des régies de commerce media, les annonceurs disposent maintenant de solutions publicitaires efficaces pour réduire leur dépendance au triopole Google / Meta / Amazon.

Mais ce n’est que le début, car les pratiques évoluent vite et car l’offre se densifie. Pour comprendre l’évolution des pratiques, je vous recommande cette série d’interviews réalisées par l’IAB : The Evolving World of Retail Media.

Concernant les évolutions des offres, de nombreux axes d’amélioration sont en chantier :

  • L’élargissement de l’inventaire pour intégrer toujours plus de distributeurs et exploiter toujours plus d’emplacements ;
  • Le recours à des formats novateurs pour travailler l’image de marque ou la valeur perçue des produits (ex : vidéos natives dans l’habillement) ;
  • Une intégration entre les PLV en et hors-ligne (avec mesure unifiée et dédoublonnage)…

Ce dernier point est particulièrement critique, car il signifierait le grand retour des balises de proximité qui permettrait d’inclure ou d’exclure en point de vente physique les consommateurs ayant déjà été exposés à des publicités en ligne.

Parmi les nombreux enjeux auquel les pratiques de retail media vont devoir faire face, nous pouvons citer :

  • L’amélioration de la fiabilité des mesures avec des indicateurs simples comme le ROAS (Return On Ad Spent) ou le nombre de ventes additionnelles ;
  • L’intégration des emplacements de retail media dans les solutions publicitaires traditionnelles (indispensable pour les marques non-alimentaires) ;
  • Le partage d’insights et de données consommateurs entre les distributeurs et annonceurs tout en respectant le RGPD (e-trade marketing).

Le retail media est donc un créneau particulièrement actif qui reste bien évidemment fortement exposé à la concurrence des géants numériques, Facebook en premier lieu qui cherche à éviter la fuite de ses annonceurs : Meta tests new ad offering in partnership with retail media networks. La raison principale pour cette initiative est de sécuriser la relation avec les grandes marques (cf. Although Meta’s ad revenue is recovering, retail media may prove its biggest competition), une raison qui pousse également Google à communiquer activement sur le sujet : Building a Retail Media Business with Google.

Les acteurs indépendants du retail media ont-ils une chance face aux mastodontes numériques ? Oui j’en suis persuadé, car les annonceurs seront toujours à la recherche d’alternatives, aussi bien pour élargir leur arsenal publicitaire que pour diversifier leurs pratiques.