Saviez-vous qu’il y avait 10 fois plus de téléphones en circulation dans le monde que d’ordinateurs ? Rien qu‘au premier trimestre 2010, se sont plus de 55 millions d’unités qui ont été vendues dans le monde. La France arrive en seconde position sur le marché européen avec une croissance de près de 50% en une année (La France affiche une des plus fortes croissances du nombre d’abonnés équipés d’un smartphone en Europe). Ces chiffres sont impressionnants, d’autant plus que les smartphones ne sont pas des gadgets vendus seuls, ils sont indissociables de leur forfait et des nombreux services qui vont avec.
Introduit dans un premier temps auprès des populations professionnelles qui souhaitaient pouvoir consulter email et agenda en situation de mobilité, les smartphones semblent maintenant s’orienter vers une nouvelle cible : Le grand public. Autant les terminaux de chez BlackBerry ou Nokia sont ainsi très clairement conçus pour coller aux besoins des pros, la nouvelle vague de terminaux ambitionne de séduire une population totalement différente. Autant les BlackBerry ont tout de suite trouvés leur cible, autant les constructeurs se sont cassés les dents à plusieurs reprises avec des terminaux qui n’ont pas su convaincre (Nokia N-Gage, Motorola RockR, Danger Sidekick…).
Il aura fallu attendre 2007 et l’arrivée de l’iPhone sur le marché pour bien cerner l’équation magique : Un terminal de qualité, un forfait data illimité, des applications tiers distribuées au travers d’une marketplace. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a un avant et un après iPhone. OK… et maintenant ? Maintenant les industriels sont sur le pied-de-guerre pour trouver et déployer une alternative viable à l’iPhone.
Google et BlackBerry à la traine derrière l’iPhone
Le concurrent le plus visible de l’iPhone est pour le moment Google avec son système d’exploitation mobile Android. Distribué librement auprès des constructeurs, Google a rapidement été confronté à deux gros problèmes :
- La prolifération de nombreuses versions de l’OS (donc autant d’effort à fournir pour la maintenance) ;
- Des terminaux aux caractéristiques divergentes qui ralentissent l’innovation.
Assez rapidement les équipes de Google sont arrivées à la conclusion que s’il voulait rattraper leur retard sur l’iPhone, il leur fallait maitriser la partie software mais également la partie hardware. Ils se sont donc lancés dans la conception et la distribution du Nexus One, vaisseau amiral de l’offre Android. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu et le modèle de distribution en ligne choisit par Google a très vite montré ses limites (ils n’avaient même pas prévu de service client). Aujourd’hui ils ont revu leur copie et s’orientent vers un circuit de distribution plus traditionnel.
OK très bien, mais où est l’innovation par rapport à l’iPhone ? Malgré des caractéristiques techniques alléchantes, la proposition de valeur reste assez faible et les leviers de différenciations manquent à l’appel. Ce n’est donc pas un hasard si les utilisateurs de terminaux Android achètent deux fois moins d’application que les utilisateurs d’iPhone. Il reste encore du chemin à faire pour qu’Android et les terminaux exploitant cet OS parviennent à se différencier de l’iPhone.
Pour BlackBerry la situation est différente car ils bénéficient d’une solide réputation dans le monde de l’entreprise. Leur dernière campagne de publicité illustre pourtant un changement de stratégie ou du moins un élargissement de la cible :
J’étais extrêmement sceptique quand à cette nouvelle orientation (quel jeune aurait envie de s’afficher avec le smartphone de “papa” ?) mais une discussion avec Alexis Trichet d’Orange m’a persuadé du contraire : Le succès de BlackBerry repose en grande partie sur son système de messagerie très robuste. Or, qui sont de gros consommateurs de messagerie instantanée ? Bingo : Les jeunes qui trouvent dans ce terminal (avec son clavier physique et son offre de messagerie illimitée) le canal ultime de discussion et d’interactions sociales. Le marché est en tout cas plus que favorable et la proposition de valeur de la plateforme BlackBerry va petit à petit s’enrichir avec le lancement récent d’une marketplace d’applications.
Toujours d’après Alexis Trichet, la richesse de la place de marché est un bon signe de la maturité d’une offre, ou plutôt du dynamisme de son écosystème. Les 2.000 applications disponibles sur l’OVI Store de Nokia font ainsi pâle figure face aux 200.000 applications disponibles sur l’App Store. Mais les applications ne font pas tout et la première alternative viable nous vient d’un concurrent inattendu.
Microsoft (et Nokia) : Un pari sur les plateformes sociales
C’est Microsoft qui a ainsi surpris tout le monde avec l’annonce de sa plateforme Windows Phone puisqu’en complète rupture avec l’ancêtre Windows Mobile qui semble dater du siècle dernier. C’est donc une copie entièrement neuve que Microsoft propose avec sa gamme Kin : Deux terminaux à la forme particulière et un système d’exploitation de nouvelle génération à l’interface remarquable.
Non seulement Microsoft innove avec un hardware en rupture avec l’iPhone et sa légion de copies, mais ils ont en plus retenus les leçons du passé avec une gamme très restreinte pour simplifier le choix. Au niveau de l’interface (Windows Phone 7), là encore il y a eu un travail considérable pour proposer une expérience différente de l’iPhone avec un écran d’accueil mélangeant raccourcis et social stream ainsi que des micro-applications propulsées par Silverlight (la technologie d’interfaces riches made in Microsoft) :

Ce couple hardware / software est de plus complété par une couche sociale très intéressante (Spot + Studio) qui permet aux utilisateurs de partager photos, vidéos, messages… C’est donc avec une offre entièrement neuve et particulièrement complète que Microsoft ambitionne de conquérir le segment des jeunes en bénéficiant de l’héritage du SideKick (racheté par la firme de Redmond en 2007).

Nous retrouvons un principe similaire lancé par Nokia il y a quelques années avec leur plateforme sociale Lifeblog qui permet également de partager tout un tas de trucs. Sur ce terrain là, nous sommes d’ailleurs toujours en attente d’une stratégie unifiée de la part d’un acteur qui a dépensé sans compter pour acquérir des plateformes sociales mobiles (notamment Plazes et Loopt). Même si Nokia n’est pas reconnu pour ses compétences en matière d’exploitation de services en ligne (euphémisme), je ne peux pas croire qu’ils n’ont pas une idée derrière la tête…
iAd, l’arme secrète d’Apple ?
Le marché s’organise pour rattraper leur retard sur Apple, mais le géant de Cupertino compte bien garder son avance avec la future quatrième version de son iPhone OS et notamment iAd, la plateforme publicitaire “maison”. Pour le moment nous ne savons pas grand chose de l’offre iAd, si ce n’est la démonstration montrée lors de la dernière keynote, mais il semble clair que les smartphones ouvrent d’innombrables possibilités en matière de marketing et de ciblage. Les rachats récents de QuattroWireless et AdMob (respectivement par Apple et Google) illustrent le potentiel de ces machines à large écrans capables de géolocaliser et d’alerter en push leurs utilisateurs.
Non, je ne pense pas que l’industrie se contentera d’adapter les bannières à la taille d’écran. Nous parlons ici de mécanismes de ciblage comportementaux très sophistiqués qui risquent bien d’effrayer les porteurs de smartphones. J’anticipe ainsi des offres plus subtiles où les opérations de promotion et autres messages commerciaux seraient habillement noyés dans l’interface et ne perturberaient pas l’expérience d’utilisation. OK, mais tout le monde ne s’appelle pas Pixar et la majeure partie des annonceurs ont plus d’un film à vendre tous les deux ans.
Les observateurs avertis sont ainsi plus que mitigés face à cette offre “révolutionnaire” (Memo To Steve Jobs: The iAd Is No Miracle Worker). Nombreux sont les développeurs à se plaindre de la rigidité du modèle de distribution de l’App Store, en sera-t-il de même pour les annonceurs désirant exploiter l’iPhone ? Il y a de fortes chances, d’autant plus que l’on parle d’un ticket d’entrée à 1 million de $ !
A partir de là, nous pouvons envisager une configuration de marché où les régies, agences et annonceurs vont plutôt s’orienter vers d’autres plateformes plus ouvertes. Comme… Android par exemple. Ça tombe bien puisqu’en plus Android est maintenant capable de faire tourner du Flash (le format de référence pour les annonceurs). Ça tombe bien puisque Android devrait également être le système d’exploitation qui fera tourner la futur Google TV.
Heu… quel rapport entre Flash, la TV et les smartphones grand public ? La taille critique bien sûr ! Là où Apple déploie des efforts considérables pour verrouiller le segment supérieur, Google ambitionne d’inonder le marché avec une plateforme commune mobile / TV qui fédère les développeurs (autour du noyau Linux d’Android), les constructeurs (qui peuvent exploiter un système d’exploitation gratuit avec un potentiel reversement de revenus publicitaires), les annonceurs (qui ont déjà l’habitude de travailler avec Google) et les utilisateurs (qui font confiance à la marque Google).
Conclusion : La compétition va au-delà de la mobilité
L’avenir de la mobilité est-il au smartphone ? Oui et non. Oui car ces terminaux sont de véritables mines d’or en termes d’usages et de ciblage, non car ils ne sont pas à la portée de tous. La course à l’armement que sont en train de se livrer les constructeurs réduit petit à petit le marché cible à mesure que le prix des terminaux augmente. Gardez bien à l’esprit que le gros du marché est encore équipé de terminaux basiques et qu’il y a de grosses opportunités à saisir avec la moitié inférieure du marché. C’est ce que Qualcomm a compris en développant un système d’exploitation pour les feature phones (nom de code : Brew).
Je ne suis pas devin mais j’ai comme l’impression que c’est la taille qui va encore une fois départager les compétiteurs. La plateforme Android de Google est en forte phase de croissance et le fait de la coupler à d’autres types de terminaux (touchbooks, Google TV…) ne va faire qu’accélérer ce phénomène. Les lecteurs attentifs auront remarqués que Google est tranquillement en train de nous faire ce que Microsoft n’a pas réussi : Sortir des ordinateurs et inonder les appareils électroniques de notre quotidien (même les compteurs électriques intelligents !).
Ordinateur + mobile + TV, le triptyque magique qui fait saliver les annonceurs (et les actionnaires). Microsoft s’y ai cassé les dents (avec Windows Mobile et Windows Media Center), Apple aussi (avec l’Apple TV), Google a-t-il plus de chance de réussir ? Difficile à dire pour le moment. En tout cas la possibilité de piloter une campagne d’acquisition multi-supports auprès d’un guichet unique est sacrément alléchante. Et indirectement cela peut également intéresser le grand public qui pourrait s’équiper à bas prix avec des terminaux semi-subventionnés par de la publicité ciblée.
Oui je sais, tout ceci est un peu flippant et je ne me réjouis pas trop à l’idée d’être ciblé au quotidien en fonction de ce que je consulte sur mon ordinateur, mon smartphone ou ma TV. Quelle sera la prochaine étape : Ma console de jeux ? Ma voiture ?
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C’est marrant comme j’ai un mal fou à finir cet article, j’ai démarré en parlant des smatphones et je ne parviens pas à re-boucler sur ce sujet. Peut-être est-ce parce que l’avenir de la mobilité se situe ailleurs ? Ou du moins peut-être que les leviers de conquête et de domination se situent ailleurs.
MàJ (01/07/2010) : 6 semaines après le lancement de son produit, Microsoft a décidé de stopper la commercialisation du Kin pour se concentrer sur la gamme Windows Phone 7 (cf. Microsoft Is Killing The Kin). Décidément, le Danger est maudit !
Puis, le squattage du segment supérieur par Android n’est pas si correct que ça, car le dépassement se fait justement d’un peu partout même sur le positionnement d’Apple (autant large est-il).
Merci Fred ,
très bon article, et des commentaires au top aussi.
dans ma boite on était frustré avec l’Iphone du graphiste qui empêchait de voir certaines parties du site de la société qui étaientt fait en Flash/Flex. Puis un dev a acheté son HTC Desire et là on a pu voir (le temps que la batterie soit out) l’ensemble de notre sire. Génial.
du coup dans la boite plus personne ne veut d’Iphone et tout le monde parle d’Android, même les graphistes sous Mac.
Bref..
on verra bien
@ Ulrich > Attention je ne suis pas en train de dire que l’iPhone est meilleur que le Nexus One ou que l’offre Android, juste qu’Apple s’efforce de “bétonner” le haut du segment avec une offre particulièrement bien verrouillée. Est-ce qu’une plateforme ouverte est forcément meilleure ? C’est une question de gout (ou de conviction)…
Non mais en l’occurence elle est meilleure techniquement, commercialement et fonctionnellement ;)
Et parler d’Apple comme d’un leader alors que RIM vend plus de smartphones que eux partout bon, ca a de quoi titiller un peu les foules :P
Vivement la nouvelle version Android Froyo, de la balle rien que en voyant les demos sur le net ou les videos.
Je pense que l’iPhone jusqu’à Android 2.1 était bien meilleur, aujourd’hui, y’a de quoi se poser pas mal de questions.
@ Cr0vax > “elle est meilleure techniquement, commercialement et fonctionnellement” et ergonomiquement ? ;-)
Et personne ne parle du Samsung Wave qui sort bientôt ? Plus joli, plus rapide et complet qu’un Android ou iPhone 3.1… Batterie qui tient…