La guerre des boutons

Le social commerce est un sujet complexe. J’ai déjà eu l’occasion de publier de nombreux articles sur cette pratique, qui jusqu’à preuve du contraire, n’avait pas réellement fait ses preuves (Tout reste à faire en social commerce). La situation vient cependant de changer d’un coup avec les annonces successives de Instagram et Pinterest d’inclure des boutons d’achat , des annonces qui font écho à celles précédemment faites par Facebook et Twitter. Facebook s’est notoirement illustré pour avoir essayé différentes approches du social commerce, avec le succès qu’on leur connait. Je ne reviendrais pas sur ces échecs, car la situation a bel et bien changé : les habitudes sont maintenant prises et les usages autour des smartphones se sont largement développées. En résumé : le timing est le bon.

Maintenant que (quasiment) tout le monde s’est lancé dans la course, il convient de prendre un peu de recul et de se poser les bonnes questions : Why ‘Buy’ Buttons Will Pose Big Challenges for Google, Facebook, Pinterest and Twitter. Insérer un bouton d’achat dans une publication n’est effectivement pas très compliqué. Le problème vient de la logistique que l’on va devoir mettre en oeuvre avant l’affichage des boutons et après le clic : vérifier la disponibilité du produit, proposer les différentes variantes (couleur, taille…), valider un paiement, déclencher une commande, orchestrer une livraison… le tout à travers un smartphone !

Certes, le potentiel est gigantesque, mais il y a de nombreux défis techniques et logistiques à relever, et tous les participants à cette course à l’armement n’en sont pas au même niveau. Instagram semble être le plus loin, car ils ne proposent pas de tunnel de commande intégré : Instagram Beefs Up Ads With App Install And Buy Buttons, Interest Targeting, API.

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Tumblr a opté pour une approche similaire avec des boutons qui se déclinent en différentes actions : Tumblr Now Has ‘Buy,’ ‘Pledge,’ And ‘Get Involved’ Buttons From Etsy, Kickstarter, Artsy + Do Something.

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En ce qui concerne Pinterest, l’expérience d’achat proposée est bien plus fluide avec un parcours de recherche / sélection / commande parfaitement intégré : Coming soon: Buyable Pins!. En revanche, Pinterest s’est associé avec des prestataires techniques (Demandware et Shopify), ce qui limite les possibilités et les rend dépendants…

pinterest-buy

De son côté, Twitter a annoncé un partenariat avec Stripe pour l’encaissement, ce qui les place dans une situation intermédiaire : Twitter Is Working With Payments Startup Stripe on Its Commerce Initiative.

twitter-buy-button

Nous sommes toujours dans l’expectative de ce que va proposer Facebook, puisque son annonce remonte à l’année dernière : Testing a New Way for People to Discover and Buy Products on Facebook. La logique voudrait que les équipes de Facebook développent tout de A à Z, après tout ils avaient déjà de l’avance avec “Gifts”, mais le moins que l’on puisse dire est qu’ils se font très discrets. Une annonce a été faite la semaine dernière, mais pas directement par Facebook : Shopify and Facebook Announce Expanded Beta Test For “Buy” Call-To-Action Button.

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Tous ces compromis réalisés par les uns et les autres nous prouvent à quel point la vente en ligne est un métier complexe. Au final, ce sont les spécialistes du commerce en ligne qui sont à priori les mieux placés, à l’image d’Amazon qui dispose déjà d’une logistique ultra-performante et de la confiance de centaines de millions de clients. Sauf que… les internautes vont acheter sur Amazon quand ils ont une idée en tête, mais n’ont pas le réflexe de s’y rendre pour flâner et y trouver l’inspiration. Certes, le géant de Seattle fiat des efforts (Say hello to Amazon Stream, a Pinterest-like endless shopping experience), mais la sauce ne prend pas.

Dans cette grande course, il nous reste encore à aborder le cas de Google qui n’a pas manqué de faire parler de lui avec des rumeurs de l’intégration d’un bouton d’achat à ses annonces : Can Google Outsell Amazon and eBay?. Certains d’entre vous pourraient me dire que Google est complètement largué sur le sujet du social commerce, et je serais bien d’accord avec vous. En revanche, Google dispose d’atouts qui font trembler toute la profession :

  • un moteur de recherche et de comparaison de produits (Google Shopping) ;
  • plusieurs systèmes de paiement (Google Wallet, Android Pay) ;
  • un mécanisme de vérification de l’inventaire des boutiques en ligne (Trusted Stores) et locales (Inventory Ad).

Au final, Google n’est peut-être pas très bien positionné en amont du parcours d’achat (la phase d’inspiration et de découverte), mais ils sont parfaitement outillés pour tout le reste du cycle de sélection et de passage de commande. Si l’on assemble toutes les pièces du puzzle, Google peut potentiellement ouvrir une marketplace. Cette éventualité ne serait pas si effrayante s’il n’y avait pas des rumeurs d’un partenariat d’envergure avec Macy’s : Google “Buy Buttons” Could Start Showing On Mobile Shopping Ads In A Matter Of Weeks.

google-buy-button

La situation est-elle préoccupante ? Pas réellement dans la mesure où les clients pourraient apprécier le fait d’avoir accès à un mécanisme de paiement mobile performant, et où les marchants pourraient également en bénéficier. Après tout, pourquoi proposer soit même un moyen défaillant alors que l’on peut s’appuyer sur celui d’un prestataire qui accessoirement à un accès direct à 2 milliards de smartphones ?

Vous noterez au passage que tout ceci s’inscrit dans la tendance actuelle de balkanisation du web, c’est à dire son morcèlement au sein d’applications mobiles propriétaires comme WeChat, Facebook ou Snapchat. Les prochaines semaines vont donc être décisives pour savoir si les géants du web vont accroitre encore plus leur domination ou si… heu… ha bah non en fait, il n’y a pas d’alternatives. Autant être attentif pour savoir à quelle sauce vous allez être mangés !

5 commentaires sur “La guerre des boutons

  1. Le marketing continue d’être ce qu’il est : rendre l’achat le plus pulsionnel possible. Et apparemment, il le réussi plutôt bien.

  2. Un autre aspect intéressant dans cet article, c’est la place de Shopify tant avec Facebook qu’avec Pinterest. Nous pourrions prendre l’article à l’envers et voire également une guerre entre les différents CMS d’ecommerce, notamment les SAAS. L’arrivée dans la course d’Automatic (WordPress) qui vient d’acquérir Woocommerce et risque donc de s’investir grandement dans le développement de cette fonctionnalité, l’immobilisme de Magento (pas beaucoup évolué depuis longtemps quand même, et fermeture la version intégrée) rendent intéressant la course à l’armement social pour séduire les futurs utilisateurs. Guerre des boutons, certes, mais pour qui ? :)

  3. Tres bon jeu de mots, ce titre :-)

    Plus serieusement, je souhaite reagir sur la fin de ton article et la place de Google dans le parcours d’achat. Certes, les decouvertes ne se font pas sur Google mais des que le prospect rentre dans ce parcours d’achat volontairement et serieusement, le passage Google est quasi systematique. Que ce soit pour rechercher des infos ou trouver un vendeur, Google reste la premiere plate-forme. Avec Amazon a ses talons mais c’est tout. Les media sociaux sont loins derrieres pour l’instant… le futur reste a ecrire certes mais aujourd’hui, le social commerce reste tres petit par rapport au e-commerce “traditionnel”. Ca reste un buzz word…

    Ensuite, en ce qui concerne le fait que Google puisse potentiellement ouvrir une market place est presque hors sujet : ils n’ont qucun interet a faire ca. Leur business model est oriente sur la pub, pas le commerce. Et meme si cette pub est tres focalisee sur la generation de ventes, ouvrir une market place en soi (de type Amazon) serait bien trop couteux quand Google peut simplement utiliser son moteur de recherche et Adwords pour metter en avant les produits de maniere intuitive et native sur ses appareils Android. Et ensuite utiliser la myriade de sites de e-commerce qui existent sans justement s’embourber dans de la logistique qu’ils ne maitrisent pas.

    Remi

  4. @ Remi > Google ne dispose pas de la logistique d’Amazon, certes, mais est-ce une obligation ? Après tout, il y a des millions de marchands sur la marketplace Amazon qui livrent eux-mêmes. Google pourrait se “contenter” de la position d’intermédiaire.

  5. @Fred : oui effectivement, la position d’intermediaire est la bonne pour Google (et clairement celle qu’ils occupent actuellement). On voulait dire la meme chose mais avec des mots differents :-)

    Remi

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