Mardi soir j’ai participé à un meetup sur les chatbots. Le sujet est particulièrement chaud en ce moment, car en quelques mois, de nombreuses startups ce sont lancés sur le créneau, de même que quasiment les plus gros acteurs : Microsoft, Facebook et dernièrement Google. Bon en fait pas tout à fait dans la mesure où Google n’a pas lancé d’outils pour créer des bots, mais plutôt un assistant que l’on peut solliciter à travers une application mobile ou une enceinte connectée (les détails sont ici : Building the next evolution of Google). Si Google n’a pas voulu faire comme Microsoft et Facebook, c’est que les chatbots ne sont que la partie visible de l’iceberg, ils ont préféré se concentrer sur le coeur du réacteur : l’intelligence artificielle (cf. Google’s CEO sums up his AI vision: “Hi. How can I help?”).
Les chatbots ne sont qu’une interface supplémentaire
Les chatbots sont donc le sujet chaud du moment : tout le monde en parle et tout le monde en veut un. Je me suis déjà exprimé sur le sujet (Des chatbots au conversational commerce), mais si vous souhaitez avoir une vision synthétique de là où nous en sommes, je vous recommande la lecture suivante : MobiliteaTime #8 : Les Chat Bots.
Outre cet état des lieux, il y a plusieurs points à retenir au sujet des chatbots : Les chatbots existaient déjà il y a 15 ans (notamment AvendreAlouer qui avait fait une expérimentation sur MSN Messenger), de même que les applications de messagerie (ICQ, MSN Messenger…). Ce qui a changé, c’est le nombre de contenus et services disponibles, ceci a entrainé un chute dramatique du niveau d’attention des internautes (en moyenne 7 secondes, soit moins qu’un poisson rouge). Ces derniers ne sont réceptifs qu’à travers des laps de temps très courts (notamment les “mobile moments” théorisés par Google). Les marques et distributeurs doivent impérativement augmenter leur surface d’exposition pour pouvoir saisir ces opportunités. D’où l’intérêt de ces chatbots et agents conversationnels qui peuvent être accessibles à travers les grandes applications de messagerie mobile, là où les consommateurs passent de plus en plus de temps. De plus, la technologie a considérablement progressé au cours de ces 15 dernières années, et les ressources informatiques se sont largement démocratisées. En un mot comme en cent : le marché s’est très rapidement structuré.

Si la technologie n’est plus réellement un problème (toute proportion gardée), les pratiques sont encore balbutiantes et les marques sont encore en train de chercher un modèle viable. Les quelques exemples de bots marchands ne sont ainsi pas très concluants, car ils se contentent de reproduire ce qui existe déjà (il est bien plus pratique et rapide de consulter le site web pour parcourir le catalogue et choisir un produit, même sur un smartphone).

La meilleure façon d’aborder les chatbots est de se dire qu’ils ne sont qu’une interface (ou un canal) supplémentaire, au même titre que le téléphone, l’email, le web… D’un côté, les chatbots complexifient la donne, car cela fait un canal de plus à gérer ; mais d’un autre côté, comme ils sont automatisés (scriptés), ça limite les ressources nécessaires pour les faire tourner. De toute façon, les chatbots ne sont qu’une interface, la partie visible de l’iceberg, l’important se passe sous le niveau de la mer.
Le marché n’a pas besoin de plus de canaux, mais de plus de temps disponible
Je pense ne rien vous apprendre en vous disant qu’aux yeux des annonceurs, l’attention est aujourd’hui la ressource la plus précieuse. Ceux qui parviennent à capter l’attention des consommateurs peuvent imposer leurs règles. C’était le cas des grands médias il y a 20 ans, c’est aujourd’hui le cas des GAFA (cf. Comment les plateformes de contenus et services transforment le marketing). En synthèse : Facebook s’est imposé sur le haut du tunnel d’achat (TOFU) auprès des internautes flâneurs en quête d’inspiration, Google s’est imposé sur le milieu du tunnel d’achat (MOFU) auprès des intentionnistes qui cherchent des réponses à leurs questions (ou des produits correspondant à leurs besoins), tandis qu’Amazon s’est imposé sur le bas du tunnel (BOFU) avec une authentique machine de guerre marchande (dont nous ne voyons qu’une toute petite partie en France). Pour pouvoir attirer l’attention, transformer et fidéliser des acheteurs ou utilisateurs, il faut nécessairement passer par Google ou Facebook (et dans une certaine mesure Apple ou Amazon).
Très honnêtement, je ne vois pas bien comment cet oligopole peut être remis en question, du moins pour les 2 ou 3 prochaines années (je ne me risquerais pas à faire des prédictions au-delà). Donc, le seul moyen de ne pas subir la suprématie de ces plateformes est de les contourner. Pour cela, vous avez schématiquement deux possibilités :
- Anticiper les besoins des utilisateurs en leur proposant de façon pro-active un contenu, service ou produit (si la proposition est correctement ciblée, il n’y a pas de mise en concurrence). Le marketing prédictif est une discipline très en vogue, mais qui nécessite de grandes quantités de données, une maitrise de technologies comme le machine learning et un accès direct aux utilisateurs. Manque de bol, Google et Facebook ont pris une sacrée longueur d’avance sur le sujet.
- Créer du temps supplémentaire pour les utilisateurs, c’est-à-dire augmenter la plage d’exposition aux contenus et services en ligne. Les enceintes connectées d’Amazon et de Google répondent spécifiquement à cet objectif : garder le contact avec les consommateurs quand ils ne sont pas devant leur ordinateur ou leur smartphone (ex : dans le salon ou la cuisine, comme avec le Echo ou le Triby).

Ne vous y trompez pas, l’important dans cette histoire ne sont pas les enceintes ou gadgets connectés, un marché anecdotique, mais les assistants personnels qui les exploitent (cf. Echo and Home are endpoints, not the endgame). Dans cette optique, le prochain marché à conquérir sera celui des automobilistes : des consommateurs qui sont coincés derrière leur volant tous les jours sans pouvoir se connecter avec leur ordinateur ou leur smartphone. Équiper leur voiture de système embarqué compatible avec Android Auto ou Apple Car, revient à les connecter avec Google Assistant ou Siri pour qu’ils puissent accéder à des contenus ou services en ligne à travers une interface vocale. Grâce aux assistants personnels (Siri, Assistant, Cortana, Alexa), il est possible d’étendre la plage de connexion des utilisateurs de 1 à 2 heures par jour, une manne publicitaire, commerciale, relationnelle… Dans cette histoire, tout le monde serait gagnant, d’autant plus si l’on peut soulager les automobilistes de la lourde tâche de surveiller la route (encore un projet sur lequel les équipes de Google travaillent d’arrache-pied).
Du web mobile au web “ambiant”
Comme précisé en début d’article, les chatbots ne sont qu’une première étape, un point de passage pour faire monter en puissance les intelligences artificielles. Ces dernières seront au coeur du prochain stade d’évolution du web (cf. 2016 sera l’année du web 3.0). Le web est passé par différents stades d’évolution, dominé par des grands portails (Yahoo, MS?, AOL…), puis un moteur de recherche (Google), puis des grandes plateformes (notamment Facebook). Nous constatons aujourd’hui une multiplication des canaux qui stimule des comportements très volatiles chez les internautes : ils zappent d’un support à un autre (ordinateur, tablette, smartphone…), consomment des quantités astronomiques de contenus à travers des flux qui ne se tarissent jamais (les fameux news feeds) et sont connectés à toujours plus de services qui vivent dans le cloud. Avec une attention aussi fractionnée et des pratiques aussi erratiques, il serait complètement vain de penser pouvoir canaliser l’attention des utilisateurs et les amener à venir sagement s’inscrire et commander sur un site. Bon en fait si, c’est toujours possible, mais c’est de plus en plus complexe et coûteux. Augmenter la surface d’exposition, c’est à dire rendre vos contenus, services et offres disponibles sur le plus de points de contact numériques possible est le meilleur moyen de maximiser vos chances de recruter et transformer des internautes.
Nous arrivons donc à cette logique de web “ambiant”, un quotidien où les utilisateurs sont exposés en permanence à une infinité de contenus et services en ligne, à travers différents terminaux et interfaces. La meilleure illustration que je puisse vous proposer est celle de Domino’s Pizza avec leur service AnyWare, ainsi que Dom, leur assistant virtuel : Domino’s Pizza Voice Ordering.

Tout ceci peut vous sembler surréaliste (après tout, de nombreuses entreprises n’ont toujours pas de site web), mais nous sommes pourtant bel et bien en train de franchir cette étape et de construire les premières briques de ce web ambiant. Il vous suffit de regarder autour de vous pour en voir les premiers signes.