La semaine dernière, j’étais à Lorient pour participer à la 11e édition de Web in Lorient. Cette participation a été l’occasion de faire une rétrospective des tendances numériques de l’année. Je vous propose dans cet article de revenir sur les évènements marquants de ces derniers mois, et le moins que l’on puisse dire, est que l’année 2016 a été particulièrement riche.
Les nombreuses crises numériques
Plus nous avançons dans le temps, et plus les outils, contenus et services numériques prennent une place importante dans notre quotidien. Mais à mesure que nous consommons ces contenus et services numériques, nous commençons à en voir les effets de bord :
- Les nombreuses failles de sécurité qui ont touché les constructeurs automobiles (Almost every Volkswagen sold since 1995 can be unlocked with an Arduino), hôteliers (20 hotels suffer hack costing tens of thousands their credit card information), hommes politiques (Hackers release the personal emails and phone numbers of nearly 200 congressional Democrats) ou acteurs du web (Yahoo’s data breach is one of the biggest in history). Avec la faille de Yahoo, nous pensions avoir vécu le pire, et pourtant… la série noire continue : AdultFriendFinder network hack exposes 412 million accounts et 20.000 Tesco Bank customers lose thousands in online attack.
- La bagarre entre les bloqueurs de bannières (5 charts: Who the ad blockers are and how to get them to stop) et les bloqueurs de bloqueurs de bannières (French news publishers believe solidarity is key to staving off ad blocking).
- Les conflits sociaux liés aux VTC (Uber étant le service le plus visible, il est celui qui a cristallisé les tensions) et au projet de loi sur l’économie numérique.
- L’abus de position dominante de Facebook qui a montré beaucoup de légèreté dans sa façon de justifier le fonctionnement de la rubrique news (Inside Facebook’s Political-Media Machine) et dans les explications fournies sur les chiffres artificiellement gonflés de visionnage de vidéos (Facebook Overestimated Key Video Metric for Two Years). Les équipes semblent avoir pris la mesure, car elles anticipent avant de se faire taper sur les doigts (Facebook overhauls ad metrics, admits 4 bugs and errors led to misreported numbers).
Il y a eu d’autres crises en 2016, mais ces quatre-là me semblent être les plus emblématiques, car elles ne sont toujours pas résolues : les cyberattaques vont se multiplier ; les éditeurs n’ont toujours pas trouvé de solution viable à la fin des bannières ; malgré les efforts du gouvernement pour calmer le jeu, le phénomène d’Uberisation n’en est qu’à ces débuts ; et la position ultra-dominante de Facebook ne risque pas de diminuer (surtout au vu des derniers chiffres d’audience), ils continueront donc à imposer leurs propres règles.
Des signaux encourageants
L’année 2016 a donc été marquée par de nombreuses crises, mais tout n’est pas noir au pays du numérique :
- La folie Pokémon Go, assurément LE phénomène viral de l’été dernier avec plus de 500 M de joueurs et des revenus fracassants (Pokemon Go : 600 millions de dollars de recettes, un nouveau record).
- Les montants astronomiques des acquisitions (32 MM$ pour ARM, 26 MM$ pour LinkedIn, 9,3 MM$ pour Netsuite, 5 MM$ pour Yahoo…).
Outre cette frénésie de Pokémon, la surenchère des acquisitions est une preuve flamboyante de perspectives de croissance dans le numérique. Et le mercato n’est toujours pas terminé, car il reste encore la potentielle revente de Twitter et l’IPO de Snapchat.
De grands bouleversements dans les médias
Personne ne peut contester l’impact du web sur les médias. Netflix et Spotify sont les exemples qui nous viennent tout de suite à l’esprit, mais l’impact est en fait bien plus profond qu’on ne le pense (Un meta-média pour les dominer tous). Nous avons assisté à de nombreux rachats, dont certains spectaculaires comme celui de Time Warner par AT&T pour un montant de 86 MM$, et le mouvement de concentration ne va pas faiblir, car les médias traditionnels sont sous pression :
- Les revenus publicitaires de journaux sont en forte baisse (Plummeting Newspaper Ad Revenue Sparks New Wave of Changes), car l’audience est vampirisée par les grandes plateformes de contenu que sont Facebook, Google ou encore Snapchat. Ces éditeurs se retrouvent dans une situation très délicate, car d’un côté, les éditeurs abandonnent la distribution à ces plateformes (à travers les Instant Articles de Facebook, les AMP de Google ou Discoveries de Snapchat), et de l’autre ils bradent leur inventaire (The reigning absurdity in the digital news economy).
- L’audience de la TV est elle aussi en baisse (Audiences TV : Fuite massive des jeunes en ce début de saison) et pas que chez les jeunes (Linear TV drops to 38% of daily video viewing). Le problème est que la TV a du mal à se renouveler et que les utilisateurs ne veulent plus subir la contrainte des grilles de programme. Il en résulte un report logique sur des supports plus souples qui proposent accessoirement des contenus bien plus diversifiés (ex : les micro-vidéo sur Snapchat, les vidéos longues sur youTube, les lives sur Facebook…).
- Des pure players comme BuzzFeed, NowThis ou The Dodo démontrent un savoir-faire en matière de captation de l’attention et production de contenus à fort potentiel viral que les médias traditionnels ne savent pas combattre (Personne n’échappera à l’uberisation des médias).
Encore une fois, l’année a été rude, mais 2017 le sera encore plus (Social Media Overtakes TV as Main Source of News for 18-24).
Des industries numériques en transition
Ce basculement des médias historiques vers les médias numériques est une des conséquences de la transformation digitale. Mais n’allez pas croire qu’il n’y a que les acteurs historiques qui doivent évoluer, car les innovations technologiques poussent également les acteurs du numérique à revoir leurs pratiques :
- L’industrie du logiciel est notamment en pleine révolution avec le basculement vers le cloud (un marché à 175 MM$ dans 10 ans) facilité par la conteneurisation (WTF is a container?).
- L’industrie audiovisuelle et cinématographique est petit à petit en train de s’approprier les vidéos à 360° (How Bild is using VR and 360-degree video for breaking news et IMAX is getting the first shipment of headsets for its new VR theaters).
- L’industrie publicitaire n’en finit plus de se réinventer avec les pratiques d’achat programmatique (qui représente plus de la moitié des investissements) et la menace persistante des bloqueurs de bannières (La publicité en ligne en pleine crise de croissance), de même que celle du marketing qui entame sa longue mue (De l’inévitable rapprochement entre marketing et technologie et Vers un marketing 10.0 ?)
- L’industrie des applications mobiles est en pleine remise en question avec le phénomène de app fatigue (Mobile App Usage and Download Trends for 2016). Du coup, les fournisseurs de contenus et services, tout comme les marques se tournent vers les applications progressives (A Beginner’s Guide To Progressive Web Apps) et vers les chatbots (Chatbots et assistants personnels façonnent le web de demain ) qui sont eux-mêmes amenés à évoluer très rapidement (Les chatbots ne sont qu’une étape intermédiaire vers les interfaces naturelles).
J’insiste sur le fait que tout ce qui est décrit plus haut relève de l’évolution (principalement technologique). Et comme cela ne suffisait pas, nous devons également composer avec des ruptures technologiques qui sont arrivées à maturité en 2016.
Des ruptures technologiques
En à peine 10 ans, les smartphones ont complètement redéfini les usages numériques. Ce genre de rupture technologique n’arrive cependant pas souvent. Quoi que… un certain nombre d’avancées significatives cette année me font penser que les prochaines révolutions sont en cours :
- Certes, les applications concrètes de la blockchain sont encore rares (Définition, usages et enjeux des blockchains), mais le potentiel est là.
- De même, il ne se passe pas une semaine sans que je lise des articles de vulgarisation sur l’intelligence artificielle et le machine learning (What Artificial Intelligence Can and Can’t Do Right Now et What will AI make possible that’s impossible today?). Il faut dire que le sujet est complexe et qu’il peut faire peur. Les grands noms du numérique (Google, Microsoft, Facebook…) ne s’embêtent pas avec ces considérations et progressent à pas de géant, tandis que des éditeurs comme IBM, SalesForce ou Adobe adoptent une approche plus pragmatique.
- Comment ne pas évoquer également les robots qui s’installent également petit à petit dans notre quotidien (Auchan et Intermarché testent un robot assistant pour faire les courses et iRobot says 20 percent of the world’s vacuums are now robots), et n’en sont qu’aux premiers balbutiements (Here’s What 150 Experts Say About the Future of Robotics).
- J’ai gardé le meilleur pour la fin avec l’avènement des interfaces conversationnelles qui préfigurent ce que sera l’ère post-smartphone.
Oui je sais, ça fait beaucoup de révolutions annoncées, mais les innovations sont là et les progrès bien réels.
Préparez-vous pour une année 2017 encore plus disruptive
Tout ceci nous amène immanquablement à parler de ce qui va se passer en 2017. A priori, sauf grosse surprise, il n’y aura pas d’innovations fracassantes, car nous allons avoir fort à faire avec celles qui sont en train de monter en puissance. L’année prochaine sera donc logiquement placée sous le signe de l’appropriation et de la rationalisation : faire le tri et mettre en oeuvre les innovations qui sont les plus pertinentes pour vos clients et votre business.
Pour bien aborder l’année prochaine, j’ai inclus dans ma présentation un certain nombre de conseils :
- Prendre conscience des enjeux de la société numérique dans laquelle nous vivons aujourd’hui (il existe pour cela des séries TV d’une grande perspicacité, comme Mr Robot ou Black Mirror) ;
- Tester les nouvelles expériences offertes par la réalité virtuelle ou la réalité augmentée (notamment à travers des applications mobiles comme Blippar ou ThirdEye) ainsi que les intelligences artificielles (Google’s amazing AI experiments let you play with neural networks) ;
- Comprendre les nouveaux usages liés aux chatbots (ceux qui sont disponibles dans votre application de messagerie préférée), aux assistants personnels (installez donc Google Allo) ou aux plateformes de contenus de nouvelle génération (vous n’échapperez pas à Snapchat Discover).
Rassurez-vous j’aurais l’occasion de revenir là-dessus lors de mon article de prévisions qui sera publié pour la fin de l’année.
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Pour avoir accès au diaporama et à la vidéo de mon intervention, ça se passe ici :
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J’aime beaucoup la partie sur la baisse d’audience des supports publicitaire traditionnels (TV, presse papier), cependant la presse écrite dispose également de versions numériques (où la souffrance se niche dans les bloqueurs de publicité). Mais, quid de la radio ?