C’est la crise. Ça, vous n’aviez pas besoin de moi pour le savoir, on en parle à longueur de journée dans les médias. Une surexposition qui amène une forme de fatalisme et l’impression tenace que nous allons droit dans le mur. Si effectivement la trajectoire n’est pas la bonne, mettre la pression sur les citoyens et consommateurs ne fait que développer chez eux un réflexe de survie : profiter avant la fin. Idem pour les entreprises qui sont incitées à donner un grand coup de collier pour doper les ventes ce trimestre… tous les trimestres… tous les ans… Il est largement temps de sortir de cette spirale auto-destructrice et de se projeter dans l’avenir avec une démarche plus responsable et des ambitions plus réalistes, surtout dans un contexte de fin de la croissance (une réalité pour les pays européens). Ceci passe par une recherche d’efficience des activités à l’aide des outils et supports numériques, tout en minimisant leur impact (environnemental, social et sociétal). En gros : faire du développement numérique durable.

Il n’a pas dû vous échapper que nous sommes en pleine crise énergétique. On nous demande de désactiver le WiFi la nuit et de cuire nos pâtes en utilisant la cuisson passive. Soit, je ne suis pas contre l’idée de contribuer à ma petite échelle avec des gestes à priori insignifiants, mais je ne suis pas non plus dupe sur le fait que ces gestes soient une goutte d’eau dans un océan de gâchis.
L’environnement est une préoccupation majeure depuis de nombreuses années, notamment médiatisé par la jeune Greta Thunberg. Mais dans un contexte de permacrise, ce n’est qu’un des nombreux sujets d’actualité qui nous poussent à croire que notre société est au bord de l’implosion. Je ne rentrerai pas dans le débat, mais reconnaîs très volontiers qu’effectivement, notre style de vie actuel, et plus généralement celui des Occidentaux, n’est plus compatible avec les enjeux environnementaux. Ceci étant dit, si l’on sait à peu près dater le point de non-retour écologique (le dépassement du seuil de 450 PPM de concentration de CO2 dans l’atmosphère, qui devrait survenir dans 19 ans) et que des engagements sont plus ou moins pris (cf. les accords récents de la COP 27), la situation est plus confuse pour les aspects sociaux et économiques : la fracture politico-sociale et l’inflation occupent en ce moment tout l’espace médiatique et relancent le dilemme impossible entre “fin de mois” et “fin du monde”.
La dure réalité que nous avons du mal à accepter est que nous sommes en train de vivre la fin d’un long cycle de croissance. C’est un des grands enseignements de la pensée de Jean-Marc Jancovici : la croissance est directement liée à l’industrialisation qui s’appuie sur une exploitation massive des énergies fossiles. Quand celles-ci viendront à manquer, et ce n’est qu’une question de temps pour le charbon, le pétrole ou l’uranium, ce sera la fin de la croissance économique et démographique. Formulé autrement : Les trois premières révolutions industrielles ont permis un développement sans précédent de l’humanité, mais cette croissance touche à sa fin, car nous n’avons pas assez de ressources naturelles pour garantir la prospérité (ni même l’alimentation) des 8 milliards d’habitants de la Terre. La question que l’on se pose maintenant est la suivante : la quatrième révolution industrielle, celle du numérique, va-t-elle accélérer ou au contraire repousser l’échéance ?
Certes, nous savons que l’impact environnemental des usages numériques est bien réel, mais il reste minime par rapport à d’autres activités comme les transports ou l’industrie. D’après l’étude de L’empreinte environnementale du numérique édité par l’ARCEP, les usages numériques sont responsables de 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et 2,5 % de l’empreinte carbone nationale. Pour vous en convaincre, je vous incite à essayer le calculateur de l’ADEM :

Si chaque geste compte, force est de constater que comparés aux objets et habitudes du quotidien, les usages numériques ont un impact limité. En revanche, nous pouvons facilement démontrer la responsabilité des supports numériques dans les tensions sociales et économiques actuelles : désinformation, incitations à la haine, cyber-harcèlement, concentration des richesses, pressurisation des fournisseurs, précarisation des travailleurs indépendants… À tel point que la domination des big techs est maintenant remise en question, aussi bien par les professionnels que par les pouvoirs publics (A Global Tipping Point for Reining In Tech Has Arrived), mettant un coup d’arrêt à leur croissance présupposée inarrêtable.
Nous pensions que le numérique était une source de progrès et d’émancipation, mais nous avons maintenant le recul suffisant pour comprendre que cela ne profite qu’à une minorité. Le bilan de l’économie numérique est ainsi contrasté, surtout en cette période de licenciements en masse dans la Silicon Valley : Top 10 largest tech loyoffs that Big Tehc companies underwent in 2022.
Très clairement, nous avons atteint les limites de la croissance des usages numériques, il nous faut maintenant revoir nos attentes, nos comportements et pratiques pour minimiser l’impact et garantir un développement numérique durable. D’où l’idée de responsabilité numérique des utilisateurs comme des entreprises et organisations.
Un bilan mitigé pour le numérique après 20 ans d’hypercroissance
En prenant un peu de recul, nous pouvons facilement nous rendre compte que nous sommes dans une logique d’hyperconsommation des usages numériques alimentée par l’économie à la demande et l’économie de l’attention. Une logique que l’on se doit de questionner aujourd’hui, car l’augmentation des usages numériques qui est corrélée à l’augmentation des profits des big techs signifie aussi l’augmentation de la consommation d’énergie et de matériaux. Il y a donc des intérêts contradictoires, car les profits des uns vont à l’encontre de la survie des autres. Plus généralement, dans un contexte de crise énergétique et d’épuisement des ressources, l’innovation ne doit pas être systématiquement vue comme un progrès (La « Next Big Thing » se heurte à l’impératif d’un numérique plus responsable). Ce questionnement passe par une analyse précise afin d’évaluer les impacts et le gain net potentiel. En ce sens, l’éco rating et l’indice de réparabilité sont de très bonnes initiatives pour nous faire réfléchir et tenter d’influer sur nos choix d’équipements numériques.
Ceci étant dit, nous constatons que les préoccupations de ces dernières années se focalisent sur le réchauffement climatique, mais avec la permacrise, la guerre en Ukraine, l’inflation… les considérations environnementales sont relayées au second plan. Ainsi, d’après une étude récente du JDD, 48% des Français considèrent la baisse du pouvoir d’achat comme leur principale source d’inquiétude, contre 27% pour l’environnement : Le pouvoir d’achat arrive en tête des préoccupations des Français.

Comme vous pouvez le constater, les aspects sociaux et économiques remontent très nettement dans les préoccupations des Français. Mais dans la mesure où nous ne pouvons nous permettre de délaisser l’un pour s’occuper de l’autre, il y a un rééquilibrage à opérer. Le problème est que si l’opinion publique est consciente des dangers du réchauffement climatique, elle perçoit mal les coûts cachés des gestes et terminaux numériques de notre quotidien (l’énergie “grise” nécessaire à la fabrication des équipements), d’où ce déséquilibre dans les préoccupations.
La triste réalité est que nous n’avons plus assez de ressources naturelles, énergétiques, financières et sociales pour alimenter la croissance (ça craque de partout). C’est un problème à trois corps dont nous n’arrivons pas à déterminer la solution, mais qui nécessite des changements radicaux dans nos attentes et comportements. Non, la démarche de responsabilité numérique n’est pas une solution miracle, mais c’est une façon d’atténuer l’impact, ou plutôt le triple impact de nos usages numériques (environnemental, sociétal et économique).

C’est une démarche qui nécessite à la fois du pragmatisme (pas de dogmes, ni de rejets, ni de solutionnisme), de la pédagogie (expliquer sans dénoncer) et de la formation (accompagner plutôt qu’interdire ou limiter). L’idée maitresse est de privilégier la qualité par rapport à la quantité. Il est ainsi de notre responsabilité de limiter la fuite en avant (ex : cryptos, NFT…) et de reprendre le contrôle, car si nous ne changeons pas nos habitudes, les outils et supports numériques vont poser plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Comme il est fort justement expliqué dans cet article : “Nous ne travaillons pas moins, mais plus, et sans gagner plus” (La dénumérisation, horizon nécessaire de la planification écologique ?).
D’où l’idée de sobriété numérique qui commence à faire son chemin…
DD > RSE > RNE > Sobriété numérique > Éco-conception
Avant d’aborder le sujet de la responsabilité numérique des entreprises, il convient dans un premier temps de planter le décor et de rappeler certaines définitions. Commençons par le développement durable qui est le cadre général de cet article :
Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.
Organisation des Nations Unies
C’est donc une conception du développement qui s’inscrit dans une perspective de long terme et intègre les contraintes environnementales, sociales et économiques. Outre cette définition, les grandes Nations se sont mises d’accord sur 17 objectifs de développement durable : lutter contre la pauvreté, la faim, faciliter l’accès à l’éducation…
Cette vision du développement durable est déclinée dans le monde de l’entreprise à travers la RSE :
La responsabilité sociale des entreprises est l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes.
Commission Européenne
La RSE est donc la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable, elles doivent ainsi prendre en compte, de façon volontaire et parfois juridique, les enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités. Une entreprise qui pratique la RSE va chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable. Cela revient à trouver le point d’équilibre entre les trois pôles : Personnes, Planète et Profits.

N’allez pas penser que la responsabilité sociale des entreprises est une lubie de beatniks, car elle fait l’objet d’un cadre bien précis, la norme ISO 26000 définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales :
- la gouvernance de l’organisation ;
- les droits de l’homme ;
- les relations et conditions de travail ;
- l’environnement ;
- la loyauté des pratiques ;
- les questions relatives aux consommateurs ;
- les communautés et le développement local.
La France s’est dotée progressivement d’un cadre législatif et réglementaire pour prendre en compte la RSE. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la loi PACTE (le “Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises”), de nouvelles dispositions sont proposées aux entreprises qui souhaitent aller plus loin en matière de RSE en leur permettant, notamment, d’inscrire une raison d’être dans leurs statuts et d’adopter le modèle d’entreprise à mission.
J’en profite pour mentionner deux initiatives intéressantes proposées par le Gouvernement :
- la plateforme Impact, un service qui permet aux entreprises de publier et mesurer leurs données environnementales, sociales et de bonne gouvernance ;
- la plateforme RSE de France Stratégie, une plateforme nationale d’actions globales qui formule des recommandations sur les questions sociales, environnementales et de gouvernance.
Intéressons-nous maintenant au numérique avec la notion de responsabilité numérique des entreprises qui désigne la déclinaison des principes de la RSE aux activités numériques. Cette notion rassemble un certain nombre de devoirs ou de recommandations aux entreprises soucieuses de la bonne utilisation des outils, supports et terminaux numériques.
La RNE est définie comme un déploiement nouveau et incontournable de la RSE, qui se fonde sur les mêmes principes de redevabilité, d’éthique et d’échanges entre les parties prenantes des entreprises :
Groupe de travail de France Stratégie
- la responsabilité environnementale liée aux émissions de gaz à effet de serre, à la consommation d’énergie, à l’exploitation des ressources naturelles et à la gestion des déchets ;
- la responsabilité éthique liée aux logiciels et à l’intelligence artificielle ;
- la responsabilité réglementaire liée à la protection des données ;
- la responsabilité sociétale relative à la gestion et au partage des données, ainsi qu’à la transformation des modes de travail et à l’inclusion.
Là nous sommes au coeur de notre sujet. Le plus important à saisir dans cette définition est qu’elle intègre bien évidemment les aspects environnementaux (lire à ce sujet : La pollution numérique en chiffres), mais repose surtout sur une prise en compte équilibrée des différentes préoccupations de la RSE : les volets environnementaux, sociaux, sociétaux et économiques. Comme il est bien expliqué dans cet article, le but n’est pas de cesser d’utiliser les technologies, mais de les utiliser à bon escient pour développer l’activité des entreprises tout en réduisant leur empreinte carbone : En quoi le numérique responsable aide à construire la résilience d’une entreprise ?
Sinon, il est possible de creuser spécifiquement le volet environnemental avec des notions comme la sobriété numérique ou l’éco-conception.
La sobriété numérique est une démarche qui vise à réduire l’impact environnemental du numérique en limitant ses usages.
GreenIT
L’expression a été définie il y a presque 15 ans par l’association GreenIT pour désigner la démarche qui consiste à concevoir des services numériques plus sobres (l’éco-conception) et à modérer ses usages numériques quotidiens. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande ces deux ouvrages de référence : le livre Sobriété numérique : les clés pour agir de Frédéric Bordage et le rapport Pour une sobriété numérique du think tank The Shift Project.
Si l ‘on récapitule : la notion la plus large est celle du développement durable, tandis que la plus resserrée est celle de l’éco-conception qui est l’ensemble des actions qui permettent de limiter les déchets et de réduire la consommation des ressources numériques avant l’étape de conception. À ce sujet, je vous recommande la lecture du Référentiel général d’écoconception de services numériques édité par la MiNumEco, la mission interministérielle numérique éco-responsable, le rapport Agir au quotidien : réduire son empreinte numérique de la WWF, ainsi que 10 gestes de sobriété numérique pour tous de l’ADEME.

Comme pour la RSE, ne pensez pas que cette histoire de sobriété numérique est la marotte d’une bande d’activistes en mal de reconnaissance (oui je fais référence à ces petits malins qui bloquent les routes en pensant que ça va aider à lutter contre la pollution), puisqu’elle bénéficie d’un cadre légal : la loi REEN (pour “Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique”) qui incite les entreprises à plus de responsabilité numérique. Une loi unique au monde, adoptée en novembre 2021, qui s’appuie sur le Rapport d’information sur l’empreinte environnementale du numérique et couvre 5 enjeux d’éco-responsabilité :
- faire prendre conscience de l’impact environnemental du numérique ;
- limiter le renouvellement des appareils numériques ;
- favoriser des usages numériques écologiquement vertueux ;
- promouvoir des datacenters et des infrastructures moins énergivores ;
- promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires.
Le cadre théorique et méthodologique de la responsabilité numérique des entreprises est donc solide, il s’appuie sur des bonnes pratiques et sur des éléments tangibles (cf. Décryptage de la loi REEN).
Maintenant que nous y voyons plus clair, intéressons-nous à l’actualité et ce contexte de permacrise qui nous apporte la justification pour la mise en oeuvre d’une telle démarche, ainsi que sa synchronisation avec l’impératif de transformation digitale.
Vers un développement numérique durable
Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire la morale ou vous assommer avec toujours les mêmes arguments sur la planète en danger (elle l’est, mais ce n’est pas l’objet de cet article). Mon propos est plus de vous démontrer que vous pouvez faire d’une pierre deux coups : améliorer l’efficience de vos activités numériques tout en limitant leur impact. Adopter une démarche de responsabilité numérique est-elle une obligation pour les entreprises, au même titre que la transformation digitale ? Oui, nous pouvons tout à fait formuler cette hypothèse dans le contexte actuel et nous pouvons même lier les deux.
La transformation digitale était considérée il y a quelques années comme une étape impondérable de l’évolution des entreprises et organisations qui avaient l’obligation de s’adapter à un monde qui change et à un marché toujours plus compétitif (nouveaux entrants, nouvelles habitudes et exigences des consommateurs…). Cette obligation tient toujours, surtout en cette période de permacrise où les entreprises doivent faire face à une baisse du pouvoir d’achat, une augmentation du coût des matières premières et de l’énergie, des difficultés de recrutement… le numérique est jusqu’à preuve du contraire le seul levier de compétitivité réellement viable : se transformer pour survivre, comme c’était le cas au plus fort de la crise sanitaire (Du marketing de masse au marketing de résilience).
Puisqu’il est question d’adapter l’entreprise au nouveau contexte (modèle économique, organisation, processus, culture…) autant aborder la transformation digitale en intégrant les principes du développement durable (prise en compte des contraintes environnementales, sociales et économiques).
Pour clarifier mon propos, je vous propose la définition suivante :
Le développement numérique durable consiste à adapter le fonctionnement et l’offre d’une entreprise aux nouvelles conditions de marché ainsi que chercher à développer ses activités en s’appuyant sur les outils et canaux numériques pour diminuer l’impact tout en améliorant la compétitivité.
Cet objectif nous apporte un éclairage plus global que la sobriété numérique, à savoir trouver le bon équilibre entre les trois piliers du développement durable (notion de triple bottom line) :
- Personnes = Développer la confiance grâce au respect des individus (consommateurs, salariés…) plutôt que d’agir en toute impunité (“Je le fais tant que ce n’est pas interdit” => des pratiques plus vertueuses et transparentes) ;
- Planète = Adopter une logique de sobriété notamment en rationalisant les actifs numériques (matériels, logiciels, sites et applications…) plutôt que d’utiliser toutes ces ressources sans se soucier de l’impact (“C’est dans le cloud, donc ce n’est plus mon problème” => optimisation et responsabilisation) ;
- Profits = Oeuvrer pour la pérennité de l’entreprise en s’assurant de la viabilité des activités plutôt que de chercher à faire de l’hypercroissance (“Si je ne fais pas 10% de croissance tous les ans, mon activité n’est pas rentable” => viabilité et efficience).

Comme expliqué plus haut, le maitre mot est de privilégier la qualité à la quantité à travers une reprise de contrôle. Pour une entreprise qui a subit un gros manque à gagner ces dernières années, il est tentant de se lancer dans des pratiques d’acquisition clients très agressives d’un point de vue commercial ou marketing, mais est-ce une bonne façon d’initier une relation ? Si vous avez besoin de déstocker des produits, n’est-il pas plus judicieux de sous-traiter ça à un spécialiste (ex : VeePee) plutôt que d’inonder la Terre entière avec des publicités et promotions qui vont dégrader l’image de marque et diminuer la valeur perçue de l’offre ? Il est n’est plus ici question de sobriété numérique, mais plutôt de stratégie commerciale / marketing / fidélisation : La confiance est le moteur de notre société et le principal levier de différenciation des marques. J’avais déjà abordé ce sujet dans un précédent article où je faisais référence à la théorie du donut appliquée au marketing (La confiance des clients ne se gagne pas sous la contrainte).
Entendons-nous bien : je salue la démarche de sobriété numérique, mais elle se focalise trop sur la limitation de l’empreinte carbone et pas assez sur les gains de compétitivité qui vont rendre l’offre plus attractive et l’entreprise plus viable (ex : économies d’énergie, meilleure transformation / fidélisation). S’engager en faveur du développement numérique durable c’est ainsi définir des engagements, objectifs et moyens pour limiter l’impact des actifs et activités numériques, mais aussi adopter des pratiques vertueuses dans le but de séduire et fidéliser les clients sur le long terme.
Quand j’aborde le sujet de la responsabilité numérique des entreprises dans mon entourage, on me donne toujours les mêmes exemples : envoyer moins d’emails et recycler les ordinateurs. Malheureusement, nous sommes loin du compte, d’une part sur les aspects environnementaux, et surtout sur les aspects sociaux, sociétaux et économiques. Le problème est que l’on veut bien demander aux autres de faire des efforts pour la planète, mais que les comportements de mercenaires sont tolérés, voire encouragés (“Il faut bien faire le chiffre”).

Concernant les efforts à réaliser en matière d’environnement, les activités numériques qui polluent le plus sont généralement sous-traitées (logiciels en ligne et commerce en ligne). Heureusement, ces sont des activités maintenant parfaitement maitrisées par les principaux opérateurs qui ont déjà pris des engagements pour l’imiter l’impact :
- décarbonisation des data centers des grands acteurs du cloud (Amazon, Microsoft ou Google) ;
- neutralité carbone pour La Poste et la livraison des colis.
Nous parlons ici d’impacts externes sur l’environnement. S’en soucier est une très bonne chose, mais il est essentiel que les entreprises fassent également des efforts pour limiter l’impact interne sur les autres aspects (sociétaux et économiques).
Stratégie numérique responsable = Faire mieux avec moins
S’engager dans le développement durable est une démarche longue et fastidieuse, un vrai changement de cap pour de nombreuses entreprises qui ne sont pas forcément prêtes à revoir leur modèle et fonctionnement. En revanche, concilier les impératifs de sobriété avec la rentabilité est une démarche qui n’est pas très différente de ce que l’on cherchait à faire pendant la crise sanitaire (Pragmatisme et effectuation sont les moteurs du marketing de résilience).
Si l’on tient compte de l’ensemble des contraintes (énergétiques, économiques, sociales, environnementales…), l’objectif n’est plus de faire plus pour vendre plus (confondre CA et bénéfices), mais de faire mieux avec moins (préserver les marges tout en limitant l’impact, le tout de façon vertueuse). Pour faire simple : adopter une approche frugale (cf. Boostez votre activité avec l’innovation frugale).

Partant du principe que l’impact est systémique (chaque équipement, chaque application et chaque salarié ont un impact), la réponse doit également être systémique : c’est un projet d’entreprise et non une démarche menée uniquement par le responsable RSE dans son coin. Il faut agir partout là où c’est possible afin de réduire l’impact (la démarche doit bénéficier à tous : les salariés, l’entreprise, les clients, la société, la planète…) tout en évitant de perturber les activités avec des changements trop brutaux et/ou nombreux en même temps.
Pour mener à bien ce double chantier (transformation digitale et responsabilité numérique), ce dont vous avez besoin est d’une stratégie cohérente et viable :
- Une vision pertinente et une ambition réaliste (portée par la direction) ;
- Des gestes éco-responsables adoptés par les salariés (à l’aide de bonnes pratiques et d’indicateurs de suivi) ;
- Des pratiques vertueuses (e-marketing, publicité en ligne, e-commerce…) ;
- Un écosystème numérique rationalisé (pour concentrer les moyens et maximiser les résultats).
Tous ces points seront détaillés dans les prochains articles.