L’expérience client est un sujet complexe à appréhender. Beaucoup de monde essaye en ce moment de s’approprier le concept (cf. L’expérience au coeur de la révolution du marketing dans un contexte de transformation digitale et Experience is the new black), mais assez peu prennent le risque de définir clairement ce que c’est et surtout la façon dont on peut concrètement l’améliorer. Je vous propose donc dans cet article de parcourir les différentes définitions que l’on trouve sur la toile et de lister les outils qui vous seront utiles.
Quelle définition pour l’expérience client ?
Il existe un certain nombre de sources qui parlent de l’expérience client, dont un article très complet sur Wikipedia : Customer experience. Historiquement, c’est le cabinet Gartner qui a utilisé le terme pour la première fois en 2004 (How to Approach Customer Experience Management). Ils proposent une définition de la gestion de l’expérience client assez longue, mais qui a le mérite d’être exhaustive : “Customer experience management is the practice of designing and reacting to customer interactions to meet or exceed customer expectations and, thus, increase customer satisfaction, loyalty and advocacy“. Bon par contre, pas réellement d’explications sur ce qu’est l’expérience client.
Le cabinet Forrester s’est également penché sur la question en 2010 (Customer Experience Defined), ils proposent une approche à l’opposée de celle de Gartner avec une définition très succincte : “Customer experience is how customers perceive their interactions with your company“.
Les professionnels de l’expérience utilisateur s’y sont également intéressés dès 2008 (Defining Experience: Clarity Amidst the Jargon) avec un distinguo entre l’expérience de marque et l’expérience utilisateur. On trouve également d’autres articles qui expliquent la différence entre expérience utilisateur et expérience client (User Experience and Customer Experience, what’s the Difference?). Je ne peux qu’approuver cette réflexion dans la mesure où je distingue trois types d’expérience :
- L’expérience de marque (Brand Experience) qui est liée aux campagnes de communication et contenus qu’un annonceur va diffuser auprès de cibles ;
- L’expérience client (Customer Experience) qui concerne l’offre exposée aux prospects et les points de contact qui vont être fréquentés par les acheteurs ;
- L’expérience utilisateur (User Experience) qui englobe à la fois la prise en main des produits ou services, les interactions avec le support de la marque, ainsi qu’avec les actions de fidélisation.
Je ne prétends avoir la science infuse, mais il me semblait important de préciser ces trois types d’expérience pour illustrer l’importance de la mesure de ces expériences, car on constate bien trop souvent de fortes dissonances (cf. La donnée au coeur de l’expérience client).
Ceci étant dit, le marché semble avoir adopté une vision plus large de l’expérience client, une vision qui englobe les quatre grands stades du cycle de vie des consommateurs (cible, prospect, client, client régulier). Je vous propose donc la définition suivante : “L’expérience client désigne le ressenti d’un client vis-à-vis d’une marque ou d’un distributeur, avant, pendant et après l’acte d’achat, en fonction de ses attentes et de son anticipation de l’usage d’un produit ou service“.
La notion d’expérience client peut en laisser plus d’un(e) perplexe, car elle n’est pas constante :
- Elle varie d’une personne à l’autre (en fonction de leurs attentes) ;
- Elle est relative à l’anticipation de la jouissance (plus les bénéfices d’un produit sont vantés dans une publicité, plus fort est le risque de déception) ;
- Elle évolue dans le temps (une discussion avec un autre client peut générer de la satisfaction ou frustration supplémentaire).
Bref, ça n’est pas simple, mais le jeu en vaut la chandelle.
Pourquoi s’intéresser à l’expérience client ?
Toute cette agitation autour de l’expérience client n’est qu’un retour logique de balancier après 20 années de course à l’armement pour déployer l’arsenal publicitaire le plus performant (comprenez : intrusif). Nous sommes donc en 2016 et l’on se soucie à nouveau du client et de son bien-être, ce qui est une très bonne chose : La satisfaction client est la clé de la rentabilité.
Comme expliqué plus haut, une grande partie des frustrations ressenties par les consommateurs est générée par les silos que l’on trouve dans les organisations : les équipes en charge de la communication, celles qui conçoivent les produits, celles qui s’occupent des canaux en et hors-ligne (qui sont généralement en concurrence), celles qui s’occupe du support, celles qui s’occupent de la fidélisation… autant d’équipes différentes avec des objectifs, outils et méthodes de travail différents. L’expérience utilisateur en tant que discipline ambitionne de faire sauter ces silos et d’adopter le point de vue du client, pour de vrai !
J’apprécie particulièrement le schéma suivant qui illustre parfaitement le fait qu’un consommateur se retrouve successivement dans une posture de cible, prospect, acheteur potentiel, client… il peut même cumuler plusieurs de ces “états” à la fois. Par exemple, dans le secteur bancaire, une même personne va être en relation avec un interlocuteur dans une agence “généraliste”, un interlocuteur BtoB dans le cadre de son entreprise, un troisième pour la gestion éventuelle de son patrimoine (banque privée), tout en étant régulièrement démarché au téléphone ou par courrier, car un fichier n’a pas été mis à jour.
Optimiser l’expérience client va avant tout constituer à réduire les écarts de traitement et atténuer les dissonances entre ces différents services pour éviter les frictions. Le Saint Graal étant de pouvoir proposer une expérience “sans couture”, encore un terme qui ne veut pas dire grand-chose…
Quelles sont les composantes d’une bonne expérience client ?
Il existe plusieurs indicateurs pour mesurer la satisfaction client (Measuring customer satisfaction: CSAT, CES and NPS compared), mais c’est un score global à un instant t. Donc pas forcément très précis. Idéalement, il faudrait pouvoir mesurer un certain nombre de choses :
- l’expérience est-elle concluante ? (un produit livré ou un service rendu ne comble pas forcément un besoin) ;
- l’expérience est-elle fluide ? (mesurer la simplicité et la rapidité du processus transactionnel, de la livraison…) ;
- l’expérience est-elle agréable ? (mesurer si les points de contact et l’acte d’achat en lui-même sont conformes aux exigences ou aux attentes des clients) ;
- l’expérience est-elle personnalisée ? (un levier très puissant de fidélisation, mais qui peut être contre-productif si mal mit en oeuvre) ;
- l’expérience est-elle engageante ? (si oui, elle devrait donner envie aux clients de la partager avec leurs proches) ;
- l’expérience est-elle stimulante ? (si oui, elle devrait donner envie aux clients d’adhérer de façon proactive aux valeurs de la marque, voire de s’impliquer personnellement).
Comme vous pouvez le constater, ça ne se résume pas à : “si le bénéfice est supérieur à l’effort fournit (prix, temps et énergie dépensés), alors l’expérience est positive”. Et les choses se compliquent encore plus quand il est question de numérique…
Quelles sont les composantes d’une bonne expérience client en ligne ?
En théorie, tout est plus simple sur le web, car on peut tout enregistrer et mesurer. Ça, c’est la théorie. Ceux qui ont déjà essayé d’évaluer la réputation d’une marque sur les médias sociaux ou le sentiment moyen des clients vis-à-vis d’un produit peuvent témoigner de la difficulté de l’exercice.
J’insiste sur le fait qu’isoler l’expérience en ligne de l’expérience hors ligne ne rime à rien, car les clients ne font pas la différence (ils ne voient qu’une seule enseigne). En règle générale, nous pouvons dire qu’il n’existe pas d’expérience client numérique, mais une expérience client dans un quotidien numérique.
Ceci étant dit, nous pouvons néanmoins identifier un certain nombre de critères liés aux supports numériques qui contribuent à l’expérience client (de façon positive ou négative) :
- les contenus (sont-ils pertinents ? pérennes ? à jour ? sont-ils faciles à trouver ? rapides à charger ? facile à comprendre ?…)
- les services (apportent-ils satisfaction ? sont-ils simples d’utilisation ? sont-ils disponibles sur tous les supports ?…)
- l’esthétisme (les interfaces des sites web et applications mobiles sont-elles agréables ? raffinées ? innovantes ? surprenantes ? la dégradation est-elle élégante sur un ancien support ?…)
- la personnalisation (l’accueil est-il nominatif ? les produits / services proposés sont-ils en rapport avec les besoins ou le profil du client ?…)
- l’engagement (l’expérience donne-t-elle envie d’être partagée ? les conversations sont-elles stimulantes ? la communauté des clients est-elle accueillante ? donne-t-elle envie de s’impliquer ?…)
Là encore, ça ne se résume pas à : “s’ils ont commandé, c’est qu’ils y trouvent leur compte“. Chercher à optimiser l’expérience client requiert un minimum de travail et surtout des outils adaptés.
Quels sont les outils de l’expérience client ?
Nous en arrivons au point le plus important de cet article : il n’existe pas d’outils formalisés, industriels, simplement une collection d’outils et de livrables que l’ont peut lier ensemble pour sensibiliser ou arbitrer. Les grands éditeurs comme Oracle, SalesForce ou Adobe proposent tous des outils étiquetés “Customer Experience Management“, mais qui se résument en fait à de la gestion de contenus ou de personnalisation, donc qui ne couvrent qu’une petite partie du sujet.
Nous pourrions être tentés d’inclure dans le champ de l’expérience client les outils de conception centrée utilisateurs comme les cartes d’empathie ou les outils de prototypage rapides, mais nous serions en avance de phase : avant de concevoir une solution, il faut constater un problème. Profitons-en pour préciser un point de vocabulaire très important : on ne conçoit pas une expérience, on l’évalue, on la mesure, on la documente. Ceci me permet de classer les outils de l’expérience client en trois catégories :
- Les outils de collecte de données et de mesure (statistiques, web analytics, interviews…) ;
- Les outils de modélisation et de formalisation (personas, customer journey…) ;
- Les outils de pilotage (tableaux de bord).
Données, modèles et tableaux de bord sont donc les trois ingrédients essentiels pour pouvoir piloter son expérience client : les données pour savoir où vous en êtes, les modèles pour synthétiser toutes ces données et mobiliser les différents services autour d’objectifs communs, et enfin des tableaux de bord pour surveiller l’évolution de l’expérience et mesurer l’impact des actions menées sur les différents tronçons de la customer journey.
Il existe des outils de modélisation de customer journey comme UXPressia, Smaply ou Touchpoint Dashboard, mais ils ne proposent pas réellement de tableaux de bord ou même d’outils de manipulation des données. Donc encore une fois, ils ne couvrent qu’une petite partie du sujet.
Comme préciser plus haut, l’expérience client est un sujet relativement jeune, encore très (trop) abstrait pour la plupart des décideurs. De plus, les méthodes de travail et outils sont loin d’être formalisés et partagés au sein de la profession. Tiens d’ailleurs, de quel métier parlons-nous au juste : UX designer ? Non désolé, mais j’ai déjà abordé ce point : on ne conçoit pas d’expérience utilisateur ou client dans la mesure où elle est hautement subjective. En revanche, on conçoit une interface utilisateur ou un parcours client.
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J’espère vous avoir apporté quelques précisions sur l’expérience client. Le sujet est loin d’être clôt, car nous n’en avons exploré que la surface. Je reviendrais sur certains points abordés dans de prochains articles.