Les IA sont-elles l’avenir du marketing ? Certainement…

En ce moment, se tient le CES, la plus grande foir’fouille de gadgets technologiques au monde. L’édition de l’année dernière avait été dominée par les objets connectés, mais cette année, les intelligences artificielles sont résolument à la mode. Qu’à cela ne tienne, on nous promet maintenant des objets connectés dopés aux IA comme chez Kolibree : This smart toothbrush claims to have its very own embedded AI. L’annonce peut faire sourire, mais elle illustre un réalité de marché : on essaye de nous refourguer les intelligences artificielles comme la dernière technologie miraculeuse. Bien évidemment, la réalité est différente, car toutes les IA ne valent pas, loin de là. Si le domaine du marketing n’échappe pas à cette déferlante, nous commençons à voir émerger des offres très intéressantes reposant sur des IA. Une révolution pour la profession ? Oui très certainement, mais sous conditions.

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AI is the new social

Il ne se passe pas une journée sans que je voie passer de nombreux articles vantant les exploits des intelligences artificielles dans des domaines très variés : ici pour affronter les meilleurs joueurs de poker (This AI will battle poker pros for $200,000 in prizes), où la pour lire sur les lèvres et générer automatique des sous-titres (Google’s AI can now lip read better than humans after watching thousands of hours of TV). Je vois même passer des annonces moins cocasses : IBM Watson replaces 34 employees at Japanese insurance firm.

Que vous le reconnaissiez ou non, les faits sont là : les intelligences artificielles ont fait des progrès spectaculaires ces dernières années. Maintenant qu’elles ont dépassé le seuil critique de viabilité (ticket d’entrée plutôt bas, marge d’erreur très faible), elles vont petit à petit être systématiquement intégrées aux objets et services de notre quotidien. À l’avant-garde de cette révolution, on trouve les grands acteurs du numérique comme IBM, Microsoft, Amazon, Facebook ou Google (lire à ce sujet ce très bon article du NY Times : The Great A.I. Awakening).

Les géants du numérique font beaucoup parler d’eux, mais les acteurs plus modestes ne sont pas en reste et proposent des applications sectorielles des IA, notamment SalesForce avec Einstein (Les dessous de Einstein, la plateforme d’A.I. de Salesforce) et Adobe avec Sensei (Adobe launches its Sensei layer of AI services throughout its clouds). L’intégration de technologies liées à l’intelligence artificielle y est discrète, mais bien réelle. L’objectif poursuivi n’est pas de remplacer les marketeurs, mais de leur suggérer les meilleurs options, comme chez Adobe Campaign avec cette interface d’anticipation de l’impact de l’intitulé d’un email :

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On trouve des choses équivalentes chez SalesForce avec le principe de NBA (“Next Best Action“) que l’on peut voir dans la colonne de droite avec ces suggestions de contacts à relancer :

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Il est pour le moment difficile d’évaluer la pertinence de ces recommandations, quoi que, il suffit de calculer la contribution additionnelle aux résultats, mais il faudrait idéalement plusieurs trimestres d’exercices pour avoir le recul nécessaire. Quoi qu’il en soit, vous devez très certainement imaginer le potentiel de ces suggestions de Next Best Action dans un contexte BtoB ou dans un cadre de account-based marketing.

Chercher les gains de performance là où les humains ne peuvent pas aller

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, le marketing est une discipline qui s’appuie énormément sur les chiffres et laisse peu de place à l’intuition ou à l’improvisation. Avec l’avènement des supports et canaux numériques, l’exploitation des données s’est intensifiée, stimulant par la même l’utilisation de ressources informatiques (De l’inévitable rapprochement entre marketing et technologie).

Aujourd’hui, personne ne peut nier l’impact de l’internet sur le marketing, mais si les pratiques sont condamnées à évoluer (Vers un marketing 10.0 ?) il convient de ne pas confondre vitesse et précipitation (Nous vivons une époque formidable, ou pas). À ce sujet, quand je vois apparaitre des solutions très gadget comme celle de Datorama (“Ask Datorama anything” : Amazon Alexa integration for voice-commanded marketing insights), j’ai peur ! Tout ceci n’est pas très sérieux… pourtant l’éditeur l’est. Ils ont simplement voulu se faire un petit coup de pub avec une innovation technologique tape-à-l’oeil, et c’est exactement ce dont la profession n’a pas besoin, car il y a pléthore de solutions.

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Le problème est que nous sommes au tout début d’une véritable révolution dans notre façon de travailler. Ce dont la profession a besoin, c’est de davantage de pédagogie. Il existe à ce sujet un certain nombre d’articles qui listent des cas d’usages pragmatiques (15 examples of artificial intelligence in marketing et 10 examples of AI-powered marketing software), mais ils sont encore rares (où sont les MBAs spécialisés en martech ?). Pourtant, ils existe de nombreux domaines d’application pour les intelligences artificielles qui peuvent potentiellement améliorer un certain nombre de pratiques grâce à de l’automatisation et du machine learning :

  • l’analyse des conversations et de leur tonalité (“sentiment analysis“) ;
  • la création et l’optimisation de segments ;
  • l’achat d’emplacements publicitaires unitaires et la détection de fraude ;
  • la personnalisation des messages sur une base individuelle ;
  • la recommandation de produits et contenus ;
  • l’analyse des performances et le calcul de la contribution de tel message, campagne ou canal…

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle illustre l’intérêt d’exploiter des IA pour démultiplier la puissance des opérations courantes : un marketeur aguerrit sera ainsi capable de gérer beaucoup plus de segments, de piloter plus de campagnes et de tester plus de combinaisons pour les messages et offres à partir du moment où la machine est là pour l’assister et lui éviter de faire trop de traitements manuels. Certes, rien ne remplacera le jus de cerveau, mais le paysage média est devenu tellement complexe et le comportement des consommateurs tellement erratique, qu’il faut passer à l’échelle industrielle pour espérer survivre.

Des différents exemples cités dans les articles ci-dessus, j’en retiens trois qui me semblent particulièrement intéressants pour illustrer le potentiel des IA :

Tenez-le pour dit : nous sommes en train de tourner une page et d’entrer dans l’air du marketing cognitif (Now entering… the age of cognitive marketing). Et comme à chaque changement majeur, les progressistes vont s’opposer aux conservateurs, chacun y allant de ses arguments avant de camper sur ses positions (“c’était mieux avant” vs. “ça sera mieux demain“).

Je ne suis pas là pour prendre position, car il n’y a selon moi qu’un seul camp à rejoindre : celui des clients. À partir du moment où les clients ont fait le choix de passer plus de temps sur les médias et supports numériques, il faut respecter ce choix et adapter ses pratiques / outils en fonction. Encore faut-il que les pratiques se diffusent et que les outils se perfectionnent… Mais rassurez-vous, ils y travaillent !