Le réservoir de croissance du métavers n’est pas là où vous croyez

Alors que la frénésie spéculative autour des NFTs est en train de retomber, se pose la question du bien-fondé des plateformes virtuelles décentralisées. Et si ces pseudo-métavers n’étaient que des véhicules d’investissement déguisés en jeux vidéo pour adultes ? Alors que l’on essaye désespérément de nous faire croire que les cryptomonnaies et blockchains sont l’avenir (l’avenir de quoi déjà ?), le secteur du jeu vidéo se consolide et offre des perspectives de croissance économique et médiatique toujours plus importantes. L’urgence pour les annonceurs n’est pas de théoriser ce que sera probablement le métavers dans 10 ans, mais de se focaliser sur les usages actuels et les plateformes qui rassemblent déjà des centaines de millions de joueurs.

Cette semaine encore, comme les six derniers mois, le marché s’emballe pour les dernières annonces et levées de fonds, dont celle de l’éditeur de NFT le plus en vue qui est en train d’opérer des rachats et une prochaine diversification : Bored Ape Yacht Club creator raises $450 million to build an NFT metaverse.

L’engouement autour du métavers ne faiblit pas, tandis que sa compréhension dans l’opinion publique ou auprès des professionnels du numérique est toujours aussi… hasardeuse. Cette étude récente de l’IFOP nous apprend ainsi que si 1/3 des Français ont déjà entendu parler du métavers, seuls 14% déclarent savoir précisément ce que c’est : Les Français et le métavers.

Même notre Président / Candidat en fait une promesse de campagne sans trop savoir de quoi il en retourne : Emmanuel Macron veut faire un « métavers européen » qui n’en est pas un.

J’ai déjà publié plusieurs articles sur le métavers, notamment ses origines, sa longue évolution, sa cartographie, son principal promoteur et ce qu’il représente pour les annonceurs, mais le sujet est très vaste et les questions sont nombreuses. Aussi, je vous propose de faire le point sur le potentiel du marché avec une mise en perspective de ce que l’on doit considérer comme étant un métavers ou non.

Si la définition reste floue (il n’y en a pas de communément admise), il y a en revanche un consensus autour des conditions. Comprenez par là que si on ne sait toujours pas dire ce que c’est, on sait dire comment ça doit le faire. Les spécialistes persistent ainsi à rajouter toujours plus de conditions à l’existence d’un “vrai” métavers : gratuité, ouverture, décentralisation, interopérabilité, inclusivité… Force est de constater qu’aucun prétendant ne remplit ces conditions, même de façon partielle. Pourtant, on nous sort des infographies et des statistiques très optimistes : 100 Virtual Worlds in The Metaverse.

Comme vous pouvez le voir, il ya donc une grosse distorsion entre la compréhension du sujet et la façon dont on en parle ou dont on fait la promotion dans les médias. Un peu comme c’était le cas avec l’intelligence artificielle il y a 5 ans : beaucoup d’esbroufe pour des technologies et pratiques qui existaient depuis très longtemps, progressent régulièrement et ont petit à petit été intégrées dans les opérations quotidiennes des entreprises.

Pour ma part, j’ai une approche plus mesurée et surtout plus pragmatique du métavers : je m’intéresse surtout à ce qui existe et non à ce qui peut potentiellement exister, car clairement la maturation est lente, surtout du côté de la réalité augmentée qui était censée être de loin le marché le plus prometteur et le plus simple à capter (Augmented reality’s half-decade of stagnation).

GAFA et startups progressent lentement, mais sûrement (peut-être trop)

Comme nous venons de la voir, le marché semble s’emballer pour des usages encore balbutiants et des technologies loin d’être au point, ou loin d’être adoptées par le plus grand nombre (l’unité de référence est la centaine de millions d’utilisateurs réguliers).

Pour bien vous rendre compte de l’écart qui existe entre les projections très optimistes et la réalité, je vous propose de faire le point sur l’existant, à commencer par l’équipement. Si les analystes sont dithyrambiques sur le potentiel du marché, les volumes de ventes restent confidentiels : AR/VR Headset Shipments Grew Dramatically in 2021.

On estime ainsi qu’il y aurait entre 20 et 30 M de casques de réalité virtuelle en circulation, dont les principaux vendeurs sont Oculus, HTC et Sony. HTC étant positionné sur le haut de gamme et Sony sur les jeux (une seconde version de leur casque a été annoncée pour la PS5, mais sans date de mise sur le marché), il faut se tourner vers les GAFAM pour essayer d’évaluer la dynamique du marché.

Voici là où nous en sommes en matière d’offres virtuelles pour les géants numériques :

  • Meta propose des équipements très convaincants à travers sa gamme Oculus et lance ses lunettes Stories le mois prochain, mais le ticket d’entrée reste élevé pour le grand public (des arbitrages sont généralement faits en faveur des smartphones et des consoles de jeux) ;
  • Google s’est désengagé de la réalité virtuelle (avec la gamme Daydream) pour se concentrer sur la réalité augmentée et un marché de niche pour ses lunettes de réalité augmentée qui ont bien percé sur ce créneau et présentent une progression prudente (Google buys Micro LED startup Raxium, wants to make AR displays) ;
  • Microsoft reste officiellement actif sur le sujet de la réalité mixte, mais son casque est au point mort (HoloLens 3 is Dead, Says Report) ;
  • Apple fait fantasmer beaucoup de monde, mais nous n’avons toujours pas vu l’ombre d’un début de produit (pour mémoire, nous sommes toujours en attente du lancement de leur TV) ;
  • Amazon ferme ses boutiques et se transforme petit à petit en un média (confirmation du rachat de MGM, consolidation de l’offre publicitaire…), donc aux abonnés absents.

Le bilan n’est pas plus glorieux pour les autres acteurs :

La seconde façon dévaluer le marché est de regarder du côté des éditeurs pour comprendre la maturité de l’offre. En ce qui concerne les éditeurs “historiques” :

Pour ce qui est des éditeurs de métavers décentalisés :

Si effectivement la prise en main de The Sandbox est agréable et donne une impression de nouveauté, notamment par rapport à Decentraland qui fait furieusement penser à Second Life, l’expérience est tout de même nettement inférieure à ce que peuvent proposer des jeux vidéo traditionnels (ex : Minecraft Dungeons qui propose un gameplay équivalent, mais ne coûte que 20$).

Ceci explique les audiences très faibles des métavers décentralisés, ceux qui sont censés être le “nouvel internet”, par rapport aux jeux traditionnels. Une étude récente publiée par Naavik compile ainsi un certain nombre de chiffres et confirme le gouffre entre ces deux catégories : The Sandbox: Where Digital Land and UGC Collide. vous noterez dans ce tableau la valorisation complètement délirante de Axie Infinity, preuve encore une fois qu’il y a une bulle spéculative autour des NFTs.

Même constat dans cette étude de Grand View Research : Metaverse Market Size, Share & Trends Analysis.

La faible audience s’explique aussi par d’autres facteurs. Il y a d’une part le problème de l’accès (il faut un ordinateur récent pour pouvoir faire tourner Decentraland ou The Sandbox), mais aussi des facteurs plus structurels, comme par exemple le modèle économique. Ainsi, le plus gros problème des univers virtuels décentralisés est qu’ils misent tout sur les micro-transactions (NFT). L’accès à ces services est donc conditionné par la connexion à un portefeuille numérique qui agit comme un filtre naturel pour les moins de 18 ans (règle bancaire du Know Your Customer) : The Biggest Problem Facing Blockchain Metaverse Companies.

Très clairement, le plus gros de l’audience, donc le potentiel se situe ailleurs que dans ces univers virtuels décentralisés qui ressemblent plus à des jouets pour adulescents qu’à la prochaine révolution informatique. Il faut donc plus regarder du côté des jeux vidéo et de leur évolution ces dernières années. Les jeux vidéo multijoueurs à monde ouvert semblent ainsi bien mieux positionnés pour prétendre au titre de métavers, car ils offrent une expérience et une richesse largement supérieure. Je pense notamment à des jeux comme Entropia Universe, Star Citizen ou plus récemment Dual Universe : Before blockchain and NFTs, there was the real-cash MMO Entropia Universe, Star Citizen fait le point sur le développement de Squadron 42 et d’Eclipse et Le projet français de jeu de Space Opera vise une sortie en 2022.

La vidéo suivante vous détaille tout ce que vous pouvez faire dans Star Citizen, ainsi que les dernières nouveautés :

En développement depuis maintenant 10 ans, mais toujours en alpha, Star Citizen annonce plus de 3,6 M de joueurs réguliers et un financement participatif ayant permis de récolter à ce jour 445 M$ pour financer la complétion du projet. C’est tout simplement colossal, et surtout instructif sur la genèse d’un univers virtuel autrement plus riche qu’un jeu de cartes en ligne (oui, c’est bien de Axie Infinity dont je parle).

Bref, tout ça pour dire que le secteur du jeu vidéo sera la réelle locomotive du métavers, comme il l’a été pour l’informatique et le numérique. Je suis ainsi tout à fait d’accord avec cette affirmation : “Gaming is the foundational platform” (What you need to know about the state of the metaverse today).

Des centaines de millions de joueurs sur PC et consoles

Si la réalité virtuelle est une niche en forte croissance, le marché du jeu vidéo est une industrie florissante, c’est de loin la première activité culturelle et récréative. Le dernier rapport annuel de Newzoo nous apporte à ce sujet des statistiques impressionnantes sur la taille du marché : The Games Market and Beyond in 2021: The Year in Numbers.

Quand on voit les montants astronomiques du secteur, on ne s’étonne plus que les géants des médias y consacrent tous leurs efforts : Netflix buys another video game studio as it builds out its gaming business.

Cet engouement pour les jeux vidéo se retrouve en France comme en témoigne le récent très bons bilan publié par le SELL : 2021, année record pour le jeu vidéo en France.

Quand on constate la dynamique du secteur, on se demande effectivement quel est l’intérêt de vouloir réinventer la roue avec des univers virtuels décentralisés alors que nous avons déjà plusieurs centaines de millions de joueurs sur Fortnite et Roblox (Epic says there are now more than 500 million Epic Games accounts) qui sont déjà habitués aux micro-transactions (DLC, passes de saison, skins…).

L’achat d’items virtuels semble ainsi plutôt bien accepté par les jeunes joueurs, en tout cas très bien intégré dans Roblox : Shopping in the Metaverse Could Be More Fun Than You Think et Nearly 7 million people have visited Nike’s metaverse store.

Et là, nous ne parlons que des joueurs sur PC ou consoles, car le plus gros des joueurs est sur smartphone…

Des avatars par milliards sur les smartphones

Selon les dernières statistiques, il y a 1,8 MM de joueurs potentiels sur PC et 250 M de joueurs sur console. Ce que nous donne un marché potentiel d’environ 2 MM d’utilisateurs, soit à peine la moitié du marché potentiel des joueurs sur smartphone. Bon OK, même s’il est possible de jouer à Fortnite et Roblox sur les smartphones de dernière génération, il me semble que la comparaison n’est pas très équitable.

En revanche, si les performances des PC / consoles et des smartphones ne sont pas les mêmes, les usages s’adaptent. Vous seriez ainsi très surpris du nombre d’aficionados des “Virtual Fashion Games” comme Drest, Covet Fashion ou Fashion Empire qui revendiquent chacun des dizaines de millions d’utilisateurs.

Le créneau se concentre ainsi autour d’une poignée d’applications à mi-chemin entre Tamagotchi et Barbie pour adultes, mais passé le côté superflu, on se rend compte que le public de ces applications est surtout composé de femmes passionnées de mode qui sont prêtes à dépenser de vrais euros (ou dollars) pour acheter des robes de créateurs ou accessoires virtuels. Est-ce bien sérieux de commercialiser des items virtuels à travers des applications mobiles ? Nous ne sommes pas là pour juger, d’autant plus que ces applications ne sont que la partie visible de l’iceberg.

Souvenez-vous qu’il y a une vingtaine d’années, Yahoo tentait désespérément de faire vivre son service Yahoo! Avatars, qui n’a jamais réellement rencontré le succès. Mais les choses ont changé, car 80% des adultes possèdent maintenant un smartphone, utilisent les médias sociaux, et ne sont pas forcément prêts à s’exposer sous toutes les coutures tels des influenceurs de Dubaï.

De tout ceci émerge le créneau des avatars, un marché qui représente un gigantesque potentiel quand il est nativement intégré aux systèmes de messagerie. Un filon que Snapchat a été le premier à exploiter avec le rachat de Bitmoji en 2016. On estime que plus de 70% des utilisateurs de Snapchat ont créé un compte sur Bitmoji, ce qui représente plus de 200 M d’avatars à habiller et à accessoiriser.

Un pan de l’activité de Snap sur lequel ils ne communiquent pas beaucoup, même s’il y a régulièrement des innovations : Snapchat Profiles Get 3D Treatment With New Bitmoji Avatars. L’idée est ici très simple : plus l’avatar sera réaliste, et plus les utilisateurs en prendront soin. Donc, au même titre que des centaines de millions de joueurs de Fortnite achètent des skins pour leur avatar, des dizaines de millions d’utilisateurs de Snapchat sont potentiellement intéressés par la place de marché d’habits et accessoires qu’ils sont en train de finaliser, comme en témoigne ce brevet déposé récemment.

Il y a Snapchat, mais également les autres éditeurs d’applications de messagerie sociale. Nous avons bien évidemment en tête les avatars de Apple (Memoji) ou de Facebook (3D Avatars), mais l’adoption reste faible en raison du peu de choses que l’on peut faire avec son avatar en dehors des stickers.

Pour se convaincre du réel potentiel derrière les avatars, il faut chercher de l’autre côté de la planète avec Zepeto qui est de loin la plus belle réussite avec une vitesse d’adoption fulgurante : Naver’s metaverse platform Zepeto hits 300m users. Initialement, Zepeto était proche de ce que peut proposer Bitmoji, mais ils ont petit à petit enrichi l’application avec des fonctionnalités sociales très poussées comme un flux de photos (l’équivalent d’Instagram) et de vidéos qui mettent en scène les avatars dans des challenges (l’équivalent de TikTok).

L’application a bénéficié des moyens financiers et de la position dominante sur le marché coréen de sa maison mère, Naver, qui possède entre autres, le moteur de recherche éponyme, Line (l’équivalent de WhatsApp en Corée du Sud) ou encore Webtoon. Zepeto s’est donc développé très rapidement et propose aujourd’hui une plateforme virtuelle / sociale largement en avance sur la concurrence.

À ce stade de mes explications, vous êtes légitimement en droit de vous exclamer : “Non mais c’est quoi ce bordel ? On nous avait promis des univers virtuels ultra-réalistes avec des combinaisons haptiques et on se retrouve avec une application mobile toute pourrie !” 🤨

Ce à quoi je vous répondrai : “Calmez vous, l’important n’est pas de fantasmer sur des usages qui n’existeront probablement jamais, mais de se concentrer sur ce qui est disponible aujourd’hui, et qui fonctionne !“. 🤗

Le fonctionnement en question est ainsi tout aussi proche du concept de métavers que Decentraland : une plateforme virtuelle déployée massivement auprès de la population où les utilisateurs peuvent téléporter leur avatar d’un environnement à l’autre pour pouvoir y vivre différentes expériences (discuter, jouer, écouter de la musique, regarder un film…). En résumé : un méta-univers virtuel, un métavers !

Quoi que vous puissiez en penser, ça fonctionne très bien et ça offre d’énormes opportunités pour les annonceurs qui peuvent décliner leur univers de marque sans aucune contrainte :

Vous noterez que dans Zepeto les annonceurs font partie intégrante de l’expérience globale, ceci pour une raison simple : les marques agissent comme des repères pour les utilisateurs qui peuvent se projeter dans des actes d’achat impossibles à réaliser dans la vraie vie (Les métavers ont besoin des marques pour gagner en crédibilité).

Est-ce donc ça la clé du marketing moderne : tout miser sur les avatars et les univers virtuels ? Comme toujours, il faut apporter de la nuance à ce type d’assertion, et surtout savoir ce que l’on fait et pourquoi on le fait.

Les marques doivent-elles impérativement y aller ?

Alors que nous voyons fleurir sur LinkedIn des intitulés de poste très explicites comme “Chief Metaverse Officer” ou “Metaverse Product Owner“, se pose la question de l’intérêt pour une marque d’être présente sur ces nouveaux supports. Bon, pas réellement nouveaux en fait, car cette question se posait déjà il y a 15 ans avec Second Life. Inutile donc de perdre du temps et de reproduire les erreurs du passé, il faut tout de suite voir plus grand et/ou plus utile.

Plus grand en sautant la case expérimentation ou “coup de pub” pour faire directement de la vente d’objets virtuels comme Gucci dans Roblox (A digital Gucci bag sold for US$4,000 on gaming platform Roblox) ou à travers son application mobile (A virtual steal: the digital Gucci sneakers for sale at $17.99).

Il est même possible d’aller encore plus loin et de faire du commerce hybride avec des séries limitées de produits en vente dans les boutiques physiques et au sein d’environnements virtuels comme Longchamp dans Pokémon Go, Nerf dans Roblox, ou plus récemment Lacoste dans Minecraft.

Les marques et organisations peuvent également mettre en place des campagnes plus utiles, avec des mises en scène immersives pour augmenter l’impact d’actions de communication institutionnelle (ex : Greenpeace utilise GTA pour sensibiliser les publics à l’urgence climatique).

Tout comme on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, on n’attire pas les jeunes avec des NFTs. Pour capter l’attention des GenZ, il va falloir investir leurs territoires avec subtilité, se creuser la tête et proposer des expériences réellement enrichissantes et non se contenter de commercialiser des lignes dans un registre distribué (ce que sont les NFTs d’un point de vue technique).

Le problème, comme toujours avec les supports numériques, est la maitrise des frais de production et au final le coût au contact, sans même parler du coût d’acquisition unitaire. Toute la difficulté de ces supports ludiques / virtuels est que pour le moment, la production reste quasi-artisanale : la création des modèles 3D se fait dans Maya, Blender ou Sketchup ; ceux-ci sont ensuite importés dans chaque environnement (ex : Zepeto Studio) pour y être intégrés selon la logique de la plateforme. Dans les environnements virtuels, c’est encore pire puisque chaque création doit se faire avec un outil dédié (VoxEdit pour The Sandbox, Builder pour Decentraland, Studio pour Roblox…).

Ceci se traduit par des coûts de production très importants, voir carrément prohibitifs si vous tentez d’adapter vos créations pour les proposer sur différentes plateformes. Il faudra un peu de temps avant de pouvoir industrialiser la production comme c’est le cas pour les médias sociaux où un même contenu de référence peut facilement être adapté en différents formats en fonction des plateformes sociales ciblées (illustrations, stories, reels…).

Le pire dans cette histoire est que je suis en train d’émettre une hypothèse (la possibilité de facilement décliner des objets, environnements ou expériences en 3D), puisque tous les jeux ou environnements virtuels offrant un minimum de réalisme reposent nécessairement sur un moteur de rendu 3D. Des moteurs qui, je vous le rappelle, ne sont pas compatibles entre eux (ex : Unreal Engine, Unity, CryEngine, Frostbite…). Donc pour le moment, les coûts de production restent très élevés. Peut-être qu’Adobe pourrait apporter une solution avec sa nouvelle gamme Substance (proposer une suite d’outils de création permettant d’industrialiser la production d’assets 3D et leur déclinaison sur différents supports ou moteurs de rendu, comme c’est le cas avec les outils de création d’assets graphiques pour les médias sociaux).

Sinon, il existe des outils standardisés / ouverts qui pourrait changer la donne comme Open 3D Engine (un moteur de rendu 3D) ou Universal Scene Description créé par Pixar (un standard de description des environnements 3D) et qui est maintenant supporté par quasiment l’ensemble des outils du marché, mais pas encore par les plateformes virtuelles (Why USD could be the HTML for the metaverse).

La route sera longue, et jonchée de carapaces bleues

Comme vous l’aurez compris, malgré l’engouement médiatique provoqué par Second Life il y a 15 ans, le niveau de maturité du marché reste encore très faible. Non seulement les problématiques techniques / fonctionnelles ne sont pas maitrisées, mais en plus la plupart des annonceurs se trompent de cibles ou de supports.

Non, l’avenir n’est certainement pas aux univers virtuels ouverts, gratuits, décentralisés… À trop se focaliser sur la description du métavers faite dans Le Samouraï Virtuel de Neal Stephenson, on passe à côté d’une vision beaucoup plus réaliste et pragmatique : l’OASIS de Ready Player One, un MMOSG (Massively Multiplayer Online Simulation Game) conçu et opéré par une multinationale servant de socle technologique à un ensemble d’expériences ludiques. Dans cette histoire, qui pourrait jouer le rôle de Gregarious Simulation Systems : Facebook ? Microsoft ? Epic Games ? Niantic Labs ? Tencent ? Peut-être… Probablement…

Moralité : l’avenir du métavers grand public, quel qu’il soit, n’est pas à chercher du côté de la réalité virtuelle ou de la blockchain, mais plutôt du côté des jeux vidéo ou des applications d’avatars. Pour maitriser les enjeux du métavers, il est bien plus utile d’avoir une bonne connaissance du marché du jeu vidéo qu’être un as des cryptos ou des NFTs.

Et pour ce qui est des annonceurs, souvenez-vous que l’important est l’homogénéité de votre écosystème numérique (acheter un terrain dans The Sandbox ne compensera pas un site web mal référencé) et surtout la cohérence de vos canaux d’acquisition numériques (La publicité numérique condamnée à se réinventer, à nouveau !). Avant de vous perdre dans le métavers, il est largement plus urgent d’assurer les fondamentaux de votre présence sur les supports numériques.