Pourquoi je ne crois plus en Facebook

En ce moment Facebook a la côte : on en parle à la radio, à la TV et les journalistes des grands médias n’en finissent plus de s’interroger sur les raisons de ce nouveau phénomène social. Et pourtant la réalité est tout autre.

Souvenez-vous, il y a quelques mois la coqueluche de l’époque s’appelait Second Life. Nous sommes donc en train d’assister à un phénomène classique de résonance : on en parle parce que les autres en parlent.

Facebook est-il révolutionnaire à ce point ? Ce service mérite-t-il une telle attention ? Oui, en partie. Mais sans vouloir lui retirer son indéniable succès et certaines qualités, il y a fort à parier que les annonceurs n’y trouveront qu’un intérêt très relatif.

L’explication est toute simple et peut-être résumée ainsi :

  • La croissance et l’audience de Facebook sont largement sur-évaluées ;
  • L’écosystème mis en place autour de la Facebook Platform ne tiendra pas ces promesses ;
  • Les modèles publicitaires présentés récemment sont bancals ;
  • La concurrence avec d’autres plateformes sociales va être très rude.

Donc en un mot comme en cent, malgré l’enthousiasme de son jeune CEO, Facebook ne révolutionne rien du tout.

Les chiffres en question

Commençons tout d’abord par nous intéresser aux fameux chiffres mirobolants de Facebook :

Vous l’aurez compris, les chiffres présentés par Facebook sont surtout impressionnants pour ceux qui veulent croire à leur jolie histoire. La Facebook Platform est certes un très bon facteur de croissance mais force est de constater que les meilleures places sont déjà prises.

Une plateforme à peine entre-ouverte

Et puisqu’on en parle, intéressons-nous à cette fameuse Platform. Quand on y regarde de plus près, on se rend rapidement compte qu’elle n’est pas si ouverte :

  • les applications utilisent un langage spécifique (le FBML pour Facebook Markup Language) ;
  • Les applications sont hébergées au sein du Application Directory (régit par Facebook) ;
  • les fournisseurs d’applications doivent se conformer à une charte (définie par Facebook).

Nous sommes ici bien loin de la souplesse des API et de la rigueur des Web Services. Si le succès du web 2.0 repose en partie sur les fameux mashup et sur l’innovation par l’assemblage, l’innovation est ici fortement limitée par ce langage spécifique et par la taille de la base d’utilisateurs (55 millions, ce qui n’est pas énorme).

Le fait que des agences se soient spécialisées dans le développement d’applications Facebook (RockYou, Slide…) est un signe que ces choix techniques sont un frein au développement.

Le Social Graph en question (il y a amis et amis)

Pour faire simple, le Social Graph est une représentation de nos relations et des interactions qui en découlent. La promesse de Facebook est donc de proposer aux annonceurs de pouvoir modéliser de façon très fine ce fameux Social Graph. Oui mais voilà, sur quoi repose-t-il ? Ou plus exactement, vos friends sur Facebook sont-ils réellement vos amis ? J’en doute fort. J’ai plus de 600 contacts associés à mon profil, dont à peine une dizaine que j’ai réellement rencontrés.

Les amis de Facebook sont pour la plupart des relations améliorées, et c’est bien là où se fait la différence. Dans la culture anglo-saxonne la notion d’amitié est très différente de la notre (les latins) : ils savent parfaitement mélanger relations professionnelles, amis d’un soir et amis d’amis.

Conséquence : je me vois mal faire confiance à un membre de mon réseau dans la mesure où :

  1. je ne sais pas réellement qui il est (la majeure partie des profils n’est pas réellement renseignée) ;
  2. je ne sais pas ce qu’il me veut (les intentions ne sont pas clairement exprimées) ;
  3. j’apprécie moyennement le fait qu’il me balance des moutons à la tête ou qu’il me donne de grande tapes dans le dos (Super Poke).

Pour vous convaincre de la superficialité de votre réseau posez-vous la question suivante : à combien de vos friends prêteriez-vous votre voiture ou votre appartement ?

Un gros problème de prise en main

La mise en page de Facebook est nettement meilleure que celle des pages MySpace ou que des Skyblogs, c’est indéniable. En revanche ce service est-il suffisamment simple et convivial pour séduire le plus grand nombre ? J’en doute. Il existe des millions d’utilisateurs de Netvibes car le bénéfice de ce service est immédiatement perceptible (on bouge des boîtes, on ajoute des widgets…). Mais vous devez bien avouer que l’expérience d’utilisation de Facebook est plus que troublante : trop d’applications, trop de termes jargonneux, trop de complexité.

En fait il y a un réel problème de guidage et de prise en main. Pour faire simple : les novices sont complètement perdus. Pour vous en convaincre, je vous invite à lire les commentaires d’un vieux billet que j’avais rédigé sur Facebook mais qui est très bien positionné dans Google :

  • Pouvez svp m’expliquer à quoi sert facebook et comment s’inscrire. Merci de me répondre car je ne suis pas une pro de l’informatique
  • J’aimerais qu’on m’explique svp quelle réelle différence il existe entre facebook et myspace
  • Que veut dire “site”?

Je veux bien croire qu’Aziz et sa bande de potes s’éclatent sur Facebook, mais ce service n’est aujourd’hui pas configuré pour séduire plusieurs millions de personnes : trop complexe, trop riche et surtout pas de traduction prévue pour l’interface.

Des programmes publicitaires très douteux

Nous en venons maintenant au plus gros problème de Facebook : sa plateforme publicitaire. Pourquoi est-ce un gros problème ? Parce que le modèle économique de Facebook repose sur des fondamentaux instables.

Il existe ainsi plusieurs programmes (détaillés ici : Facebook Advertising – 3 New Ways To Play) :

  • Les Business Pages qui sont un équivalent des pages sponsorisées par des marques comme sur MySpace (avec mise en avant de produits et liens vers des partenaires). Gros problème : il n’est pas possible d’inviter des fans à partir d’une business page. Conséquence : le seul moyen d’avoir une business page avec un noyau dur de fans est de transformer une page perso en une business page. Si vous savez lire entre les lignes alors vous pouvez vous faire une bonne idée des détournements possibles : fausses pages perso à vocation business, revente à des marques de pages persos populaires…
  • Les Social Ads qui sont affichées sur la page d’un membre ou dans son mini-feed. Idem, on peut tout à fait anticiper un véritable trafic d’audience basé sur la popularité d’un profil (ça me rappelle une sombre histoire de blogueurs vendus) ;
  • Le Project Beacon qui se sert de données comportementales collectées sur différents sites partenaires (cf. Facebook ads definitely creepy, possibly illegal et Is Facebook Beacon a Privacy Nightmare?) pour mieux cibler votre profil et celui de vos potes. Autant vous dire que cela pose de très sérieux problèmes éthiques.

C’est sur ce dernier point que le jeune CEO de Facebook ne parvient pas à rassurer l’industrie publicitaire et les annonceurs : Partant du principe que les membres sont le vecteur de la marque, sans redistribution de revenus, cette affiliation stérile ne bénéficiera qu’aux marques les plus fortes (Apple, BMW…), donc celles qui n’ont pas réellement besoin de ce programme (cf. I’ll spam my friends, but I want a piece of the action).

Au-delà de ces problèmes de respect de vie privée et de confidentialité, ce réseau de sites mouchards (qui dénoncent les actions des membres de Facebook) peut avoir une influence très néfaste sur le comportement des internautes et sur une éventuelle prise de décision d’achat : Facebook’s Beacon and Boundary States. A partir du moment où toutes vos actions et achats sont visibles sur votre profil (dans votre mini-feed), est-ce que vous n’y réfléchirez pas à deux fois avant de cliquer ? Ne vous direz-vous pas “comment va réagir mon audience à cet action / achat” ?

Sont-ils en train de réinventer la roue ?

Je ne sais pas pour vous, mais j’ai réellement l’impression que l’offre de Facebook ne révolutionne rien du tout (pages business, publicités ciblées…), voire qu’ils sont en train de refaire les erreurs du passé (ciblage comportemental basé sur les actions des internautes, à l’époque on appelait ça du marketing 1 to 1).

Quand on y réfléchit bien, que propose Facebook ? Des business pages (vous possédez déjà un site web, non ?), des statistiques détaillées sur le nombre de visiteurs sur ces pages (une belle régression par rapport aux outils d’analyse de la performance actuels) et des programmes publicitaires basés sur le CPM et CPC (même pas de CPA à la Amazon ?). Bref, ils nous font le coup du web dans le web, une sorte de couche d’abstraction au web “grand public” réservé à une bande de jeunes qui se balancent des moutons à la tronche. Désolé mais ce n’est pas ce que j’appelle une révolution, d’autant plus quand les questions de confidentialité et d’amitié sont très ambigües.

Une IPO est-elle la solution ?

Avec l’argent récolté auprès de Microsoft, on est en droit de se dire que Facebook va tranquillement préparer son introduction en bourse pour lever des fonds et accélérer sa croissance. Le problème c’est qu’une introduction en bourse n’a rien de tranquille : il ne suffit pas de louer des bureaux à New-York et de débaucher un CFO pour y parvenir.

Les financiers ne sont pas des imbéciles et je doute fortement qu’ils se laissent séduire par cette belle histoire de jeunes prodiges en tongs Adidas qui s’éclatent à faire des overnight coding sessions.

Rajoutez à cela un problème de valorisation, car Facebook n’a jamais été valorisé à 15 milliards de $ : Even Microsoft doesn’t value Facebook at $15 billion.

Que se passera-t-il quand Facebook n’aura plus la faveur des médias et du grand public ?

En voilà une bonne question, d’autant plus que ça a déjà commencé :

En résumé : avec cette nouvelle plateforme publicitaire Facebook risque de perdre la confiance de ses membres. Même si la croissance est toujours forte, il ne s’agit que d’un phénomène d’inertie.

Faut-il oublier Facebook ?

Non bien évidemment, chacun est libre de s’en servir pour construire son réseau et pour retrouver de vieilles connaissances. Par contre les annonceurs devront être très prudents quant à l’exploitation de ce réseau. Oui l’application iLike est un authentique succès, est-ce que pour autant Renault ou Naf-Naf peuvent en profiter ? J’en doute.

Facebook va donc progressivement venir se ranger aux côtés des MySpace, Skyblogs, Friendster… Comprenez par là qu’il va perdre son avantage concurrentiel vis à vis d’initiatives réellement plus ambitieuses comme OpenSocial ou mieux structurées comme ces nouvelles plateformes sociales.

Oui, j’ai crû au modèle de Facebook. Oui, j’ai bien crû qu’ils pouvaient révolutionner le web social et proposer une approche unifiée. Non, je n’y crois plus car ils vont avoir visiblement beaucoup de problèmes à transformer leurs rêves d’étudiants et réalité économiquement viable.

Mise à jour (20 avril 2011) : Un nouvel article a été publié sur ce sujet : Rétrospective sur les 3 dernières années de Facebook.

Connaissez-vous le widget Vélib’ pour Netvibes ?

Je suis tombé sous le charme de ce widget Vélib’ pour Netvibes :

VelibNetvibes.JPG

Très compact et intuitif, il vous fournit une liste de stations pré-sélectionnées avec l’emplacement de la station Vélib’ ainsi que le nombre de vélos disponibles, hors service et de bornes libres. Le tout en quasi-temps (rafraichissement toute les x minutes).

J’apprécie également la fonction de recherche d’une station sur la carte :

VelibNetvibes2.JPG

C’est simple et efficace, un widget à surveiller en buvant son café du matin avant de se lancer dans les rues de la capitale à vélo. Et il y a même une aide ! (via Matthieu Fouchard)

Quelques statistiques sur l’utilisation des lecteurs de flux RSS

FeedBurner, le service d’agrégation et de mesure d’audience des flux RSS vient de publier des statistiques fort intéressantes : FeedBurner’s View of the Feed Market.

Cette étude nous révèle ainsi des choses surprenantes :

  • Le nombre d’inscrits ne correspond pas forcément au nombre de lecteurs réels. Certains services (comme Yahoo!) proposent ainsi des flux par défaut ou des annuaires de flux qui faussent les statistiques en mettant en avant les blogs les plus populaires (créant ainsi un effet de sur-représentation).
  • Le nombre de visiteurs en provenance d’un flux varie énormément en fonction de la nature du flux. Pour résumer : si vous utilisez un lecteur de flux qui n’affiche que les titres des billets ou seulement un extrait, cela va forcer une visite sur le site (créant un trafic artificiel).
  • Google et Bloglines dominent la marché. La page de démarrage de Google et le Google Reader totalisent à eux euls près de 60% des parts de marché.

Parts de marché des lecteurs de flux RSS

Voilà, des statistiques très intéressantes que tout marketeur qui se respecte se doit d’apprendre par coeur.

Vers une standardisation des widgets et des protocoles d’authentification ?

Hier s’est tenu à Londres une conférence très importante sur les applications en ligne (Future Of Web Applications). Cette conférence a été l’occasion pour Netvibes d’annoncer des choses très intéressantes :

Qu’est-ce que cela signifie ?

  1. Que vous n’aurez plus besoin de créer un compte pour utiliser Netvibes, vous utiliserez pour cela votre identifiant universel OpenID que vous pouvez créer sur des services comme MyOpenID ;
  2. Que les widgets créés pour Netvibes seront compatibles avec les autres moteurs de widgets (dont vous trouverez une classification ici : Tout savoir sur les widgets), ils appellent ça les Universal Widget API.

Tout ceci est très encourageant, surtout cette compatibilité avec OpenID qui est en passe de devenir LE service de référence pour faire de la délégation d’authentification. Je précise que des services à très forte audience comme AOL, Digg, SixApart ou encore WikiTravel seront prochainement compatibles.

Pour votre culture personnelle, je vous recommande ces deux très bon articles :