J’ai publié la première version de mon panorama des terminaux alternatifs en 2011. À cette époque, il y avait une profusion de terminaux de toutes formes et fonctions qui justifiait la réalisation d’un panorama et d’une comparaison détaillée. Aujourd’hui, l’innovation est toujours aussi forte, les terminaux nombreux, mais l’essentiel de l’attention et de la valeur semble se concentrer autour des smartphones. L’hégémonie des smartphones est telle, que j’en viens à considérer les ordinateurs comme des alternatives très haut de gamme (un comble).
Au final, il n’en reste plus qu’un
Au fur et à mesure que je publiai mes panoramas (cf. les éditions 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015), je recevais des commentaires et des messages de lecteurs qui m’expliquaient qu’avec leur smartphone, ils se passaient très bien d’une tablette, d’une liseuse, ou même de leur TV. Aussi, je n’ai rien publié l’année dernière et abandonné l’idée de comparer entre eux ces différents terminaux.
Puis il y a eu la sortie de la Surface Studio de Microsoft, un concept résolument novateur (The Surface Studio Story: How Microsoft Reimagined The Desktop PC For Creativity
A 28-in). Puis le mois dernier, il y a eu cette fuite sur une nouvelle version du Mac Book (Apple is working on a new Mac Pro, but you won’t see it this year). Et je me suis rendu compte que tout le monde s’en foutait. Nous sommes en 2017, soit 6 ans près le point de bascule (Nous vivons maintenant dans un monde mobile), et le smartphone est devenu le terminal de connexion de référence.
Certes, vous passez certainement encore de nombreuses heures par jour devant un ordinateur (bureau ou portable), mais c’est avant tout un outil informatique. Le genre d’outil de travail dont vous êtes bien content de vous éloigner 5 minutes quand vous prenez votre smartphone en main pour vous détendre, avoir des nouvelles de vos proches ou vous vider la tête. Le smartphone est incontestablement le centre de notre quotidien numérique, le support que les publicitaires s’arrachent (Mobile now accounts for the majority of digital ad spending), qui fait stresser les jeunes et moins jeunes (Why FOMO Is Actually Social Anxiety and What You Should Do About It) et perturbe nos relations sociales (L’utilisation compulsive du mobile bouleverse la vie sociale des Français).
En résumé : la domination du smartphone est totale, aussi bien au niveau de l’attention des utilisateurs, que du temps passé, que du montant des dépenses que nous lui accordons. Du coup, le panorama des terminaux alternatifs s’est restructuré autour des smartphones :
Comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessus, de nombreuses catégories ont disparu ou ont été fusionnées :
- Les feature phones ont laissés la place aux smartphones génériques, les phablettes ont quasiment disparu au profit des smartphones haut de gamme qui se rapprochent petit à petit d’une taille d’écran de 6 pouces ;
- Les tablettes, netbooks et chromebooks convergent tous vers le modèle popularisé par la Surface de Microsoft, mais rapidement rattrapé par Google qui tente de tout ramener dans son écosystème Android (Google identifies dozens of chromebooks that will support Android apps) ;
- Les wearables se font croquer par les smartwatches qui elles-mêmes évoluent pour se doter de capacités de connexion LTE ou 4G afin de proposer une valeur d’usage équivalente aux smartphones ;
- Le créneau des nano-ordinateurs tournant sous Linux se porte bien (Arduino, Raspberry Pi…), mais ne s’adresse qu’à une population limitée de développeurs, contrairement aux premiers modèles compatibles Android (Google teams up with Huawei for high-end Raspberry Pi rival that runs Android) ;
- Les TV connectées sont anecdotiques comparées à la base installée de box (La réception via ADSL est passée devant la TNT pour le poste de TV principal en 2016) qui passent petit à petit sous Android (notamment la BBox et la Freebox) ;
- Les usages de réalité virtuelle se développent, mais principalement grâce aux casques conçus pour les smartphones (il s’est vendu 1 M de Playstation VR pour 30 M de cardboards).
Autant il y a 5 ans, nous avions un spectre très large de supports et environnements, autant j’ai l’impression que maintenant tout tourne autour d’Android et d’iOS (dans une certaine mesure). Un duopole qui fonctionne donc à plein régime pour Google et Apple qui bénéficient d’une communauté de développeurs très active (et très bien rémunérée : Global App Downloads & Consumer Spend Soar in Q1 2017). L’équation est ici plutôt simple : plus il y a d’utilisateurs sur une plateforme, plus il y a de téléchargements, plus il y a de développeurs, plus il y a d’applications et de terminaux… donc plus y aura d’utilisateurs. Un cercle vertueux qui se conclut forcément par un winner-take-all à la Microsoft dans les années 90 avec Windows.
Entendons-nous bien : cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’innovations ou d’usages intéressants sur d’autres supports, simplement que les usages et budgets s’amalgament autour du plus gros écosystème.
L’ordinateur est devenu un terminal alternatif face au smartphone
Ce n’est pas un hasard si j’ai mentionné Microsoft dans le paragraphe précédent. La firme de Redmond est l’exemple emblématique de ce qu’il est possible de faire en matière d’intégration horizontale : initialement ultra-dominant sur les PC, Windows s’est aussi invité sur les serveurs, les terminaux mobiles (Windows Phone), les systèmes multimédia (Windows Home Server), les consoles de jeux (Xbox)… Malheureusement, cette intégration n’a pas eu lieu et l’écosystème de Microsoft (Windows + Office) a fini par perdre son élan. En revanche, l’écosystème d’Android est en pleine phase de croissance et rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Pour vous donner un ordre d’idée, il s’est vendu en 2016 270 M d’ordinateurs contre 1,5 MM de smartphones (The PC market just fell for the fifth straight year as unit shipments continue to decline et Gartner Says Worldwide Sales of Smartphones Grew 7 Percent in the Fourth Quarter of 2016). Croyez-le ou non, mais l’ordinateur est devenu un segment de niche pour les constructeurs. Ces derniers lui préfèrent largement le marché des smartphones où il y a plus de volume et de meilleures marges. Au rythme où vont les choses (obsolescence programmée des ordis + puissance toujours accrue des smartphones), les ordinateurs individuels vont bientôt devenir une relique du passé, victimes des smartphones, au même titre que les lecteurs MP3. Vous noterez que je parle bien des ordinateurs “individuels”, ceux qui n’ont pas de fonctions bien précises à part des de remplir les tâches du quotidien (surfer, écouter de la musique, regarder des films…). Il restera bien évidement toujours des marchés de niche pour les PC dédiés aux jeux ou pour les machines professionnelles, notamment celles dédiées aux fonctions créatives (création graphique, retouche photo, montage vidéo, développement…). Pour le reste, le créneau du PC généraliste est en train de disparaitre, ce n’est qu’une question de temps, et l’échelle de temps se réduit à mesure que les smarpthones gagnent en puissance.
À ce sujet, le lancement du dernier smartphone de Samsung, le Galaxy S8, est plutôt révélateur, puisque ce dernier a été présenté en même temps qu’un casque de réalité virtuelle, qu’une mini-caméra, q’un routeur WiFi et surtout qu’un dock (le DeX) pour en faire un ordinateur de bureau : Samsung DeX review, the closest thing we have to using our phones as PCs.
Est-il réaliste de penser que la majorité des travailleurs du savoir pourraient se contenter d’un smartphone comme outils de travail ? Oui j’en suis persuadé, surtout eu égard à la qualité des logiciels en ligne (SaaS) et des offres d’informatique distante (cloud computing, virtualisation…) qui progressent chaque année. Dans le monde des loisirs et de l’informatique domestique, là il n’y a pas photo, les smartphones (et dans une certaine mesure les tablettes) règnent en maitre.
Quelles implications pour les annonceurs ?
Récapitulons : les smartphones sont devenus le support numérique de référence, celui sur lequel les utilisateurs passent le plus de temps, mais aussi celui sur lequel il y a les plus d’opportunité de création de valeur (pour les éditeurs d’applications, de contenus, de services…). L’hégémonie des smartphones est telle que la mobilité est en train de redéfinir le quotidien des populations de pays en voie de développement (How mobile technology is transforming lives in rural India), certains secteurs d’activité (How Mobile is Reshaping the Future of Banking, 25% du CA des sites e-commerce est désormais réalisé sur smartphones) ou le business de certains annonceurs (27% of all Starbucks transactions came from mobile pay).
Dans ce contexte, il semble complètement illusoire de penser que sous-traiter la réalisation d’une application mobile soit une “stratégie” viable (cf. Pourquoi les applications natives ne doivent plus être votre priorité). Pour pouvoir maintenir ou développer un avantage compétitif, les annonceurs doivent impérativement comprendre les spécificités des usages mobiles, maitriser les technologies et supports mobiles, et surtout développer une capacité de production de contenus et services adaptés aux smartphones.
Sans ce savoir-faire, ou à minima la prise de conscience de la place primordiale des smartphones dans notre environnement quotidien, un annonceur a toutes les chances de se retrouver en décalage vis-à-vis des besoins et habitudes des consommateurs. Non seulement cela se traduit par une baisse immédiate de l’efficacité des campagnes ou du potentiel de transformation / fidélisation, mais en plus, cela les rend très dépendants de prestataires qui fixent librement leurs tarifs ou délais. Bref, cela équivaut à perdre toute marge de manoeuvre.
Conclusion : le smartphone est et restera encore pour quelques années le terminal de référence, devant les ordinateurs ou la TV. C’est une réalité à laquelle il va très rapidement falloir vous adapter. D’autant plus que l’innovation et l’évolution des usages ne ralentissent pas pour autant. Pour s’en convaincre, il suffit de constater la montée en puissance des chatbots et interfaces naturelles, ainsi que les dernières applications de réalité augmentée : tout tourne autour des smartphones. Voilà pourquoi c’était sans doute la dernière version de mon panorama des terminaux alternatifs.
J’aime beaucoup ton article j’y ajouterai cependant les assistants personnels de maison qui arriveront bientôt en France type Alexa de Amazon qui veut se faire concurrencer par Google, Apple et Orange…
Oui effectivement, mais dans la mesure où ils ne sont pas encore commercialisés en France… ils n’ont pour le moment pas leur place dans le pano.
Peut-on dire que “les tablettes, netbooks et chromebooks convergent tous vers le modèle de la Surface” ? Tablettes et Surface ne sont pas dans la même catégorie et même gamme de prix. Les netbooks et chromebooks sont des minis laptop bon marché très différents des tablettes en terme de facteur de forme et d’usage.
Je ne suis pas sûr qu’il faille enterrer les tablettes si vite même si c’est vrai qu’elles se vendent de moins en moins (ce qui ne veut pas dire qu’elles ne sont plus utilisées).
Une surprise pour moi de ce panorama, c’est que “la réception via ADSL est passée devant la TNT pour le poste de TV principal en 2016” alors que la qualité et la faculté d’usage sont meilleure en TNT HD. En gratuit, il n’y a pas plus de chaînes avec la box. Si c’est le cas en France, je ne comprends pas bien pourquoi.
Attention, je n’enterre pas les tablettes, je constate simplement que le concept d’ordinateur hybride façon Surface est le modèle vers lequel se dirige petit à petit Apple (suppression de l’iPad Air au profit d’un iPad Pro low-cost) et Google (convergence de ChromeOS et Android). Certes, une tablette avec une couverture/clavier ne remplace pas un MacBook Pro (aucune chance), mais elle remplace parfaitement un PC généraliste.
Il y a quelques années, vous évoquiez l’évolution des écrans vers des tailles de plus en plus restreintes (du cinéma à la TV, de la TV à l’écran de desktop, puis laptop, puis tablette, puis smartphone et enfin iWatch). Et vous mettiez en garde contre la tentation pour les marketers et communicants de produire des contenus de plus en plus brefs (= de moins en moins riches). Si je comprends bien cet article, cela signifierait que le standard de lecture se stabilise sur la taille “smartphone”. Certes plus petite que les laptops, mais plus grande que les mini-écrans. Est-ce à dire que les contenus vraiment trop courts (de type iWatch) n’ont pas trouvé leur public et qu’on assisterait à une sorte de début de commencement de revirement ? Je pense à Twitter qui allège la politique du sacro-saint 140 caractères. (en vérité je pense aussi un peu à moi qui suis incapable de visionner une vidéo sur une montre, âge oblige)
Effectivement, le smartphone est le terminal de référence et le standard de taille d’écran semble se diriger vers du 5 à 6 pouces. Ce qui est une bonne chose, car ça laisse quand même un peu plus d’espace que sur un iPhone de première génération. Concernant les smartwatch, il ne s’agit pas de contenus, mais d’alertes, voire d’alertes courtes, l’idée étant tout de même de ramener l’utilisateur à minima sur un smartphone, sinon une tablette ou un micro. Pour ce qui est des contenus, la norme est de proposer des contenus texte / image / vidéo à géométrie variable, c’est à dire qui puisse se lire sur un smartphone, une tablette, un ordinateur ou une TV (en dégradant la qualité).
Je suis convaincu également que le smartphone remplacera bientôt le PC personnel. Malheureusement, malgré les efforts actuels, on n’y est pas encore, comme le note FrAndroid lors de leur test du DeX :
http://www.frandroid.com/marques/samsung/424784_test-de-samsung-dex-le-galaxy-s8-fait-il-un-bon-ordinateur
Les problèmes ne sont pas d’ordre technologique puisque la puissance nécessaire est bien là, mais ils concernent l’expérience et l’interface utilisateur déplorables. Lorsque ces problèmes seront réglés, celui du PC personnel le sera aussi. :)