La semaine dernière, Facebook a levé le voile sur son projet d’interface cérébral, quelques semaines après le projet Neuralink d’Elon Musk. Il ne fait plus aucun doute que l’innovation tourne à plein régime, car le marché est à la recherche de la prochaine rupture technologique. L’enjeu est de taille, car nous parlons ici d’innovations incrémentales, mais de technologies fortement disruptives, celles qui vont nécessité des années de perfectionnement, mais qui vont complètement bouleversé les usages. J’ai déjà abordé le cas de la blockchain, des chatbots, des interfaces vocales, des intelligences artificielles et de la réalité virtuelle, aussi je vous propose maintenant de faire le point sur le réalité augmentée.
20 ans de pratique et des succès notables
Par définition, la réalité augmentée est une technique permettant d’insérer en temps réel un élément 2D ou 3D dans une image réelle. Cette technologie peut aussi être considérée comme une interface entre des données numériques (virtuelles) et le monde réel (physique). La réalité augmentée sert surtout de contextualiser des informations, elle permet d’augmenter n’importe lequel des cinq sens (ex : audio guides dans un musée). Pour une définition plus fouillée, je peux vous proposer : Qu’est-ce que la RA ? ou sinon je vous invite à consulter le blog de RA Pro, une association ayant pour objectif de promouvoir la réalité augmentée.
La réalité augmentée existe donc depuis de nombreuses années, mais c’est historiquement l’application mobile Métro Paris qui a popularisé le concept en l’associant aux smartphones (cocorico !).
L’avènement des terminaux mobiles a été un formidable accélérateur, à la fois pour démocratiser les pratiques (Réalité augmentée, le nouvel eldorado des smartphones), mais surtout pour abaisser le coût des composants, facilitant ainsi la mise au point d’une nouvelle génération de terminaux (L’écosystème de la réalité augmentée se construit en dehors des jeux).
Plus récemment, nous avons assisté à de très beaux succès comme Pokemon Go, Google Translate, les filtres de Snapchat…
Les smartphones sont donc un formidable tremplin pour démontrer l’intérêt et passer à l’étape suivante.
Les GAFAM/BAT en force
Face aux premiers succès remportés sur le smartphone, les géants du web se sont décidés à investir lourdement pour préempter ce créneau. Une course à l’armement qui commence à prendre des proportions épiques, notamment :
- Google qui a essuyé les plâtres avec Glass, mais qui compte se refaire avec Tango qui prend de l’envergure (Google launches Tango AR smartphone system) ;
- Microsoft avec Hololens, jusqu’à preuve du contraire le seul produit réellement commercialisé à grande échelle et qui bénéficie d’une large communauté de développeurs (Microsoft marks one year of HoloLens by revealing it has 150 apps so far) ;
- Facebook qui vient de dévoiler sa feuille de route ainsi qu’un certain nombre de produits (AR Studio, Frame Studio, AR Games Platform) ;
- Baidu qui muscle ses équipes et enrichit ses services (Baidu opens augmented reality lab, begins integrating AR into search) ;
- Intel qui tente d’imposer son masque hybride (Intel bets on ‘merged reality’ for its Project Alloy VR headset) ;
- Apple et Amazon qui sont en embuscade (Apple’s latest patent fuels rumors it’s looking deeper into AR and VR, Is Amazon Following Microsoft’s Lead in Augmented Reality?)…
Vous noterez au passage que certains n’hésitent pas à brouiller les pistes pour mettre de la distance avec les concurrents en jouant sur les termes (What is the difference between virtual reality, augmented reality and mixed reality?).
Et pendant ce temps-là, un certain nombre de startups proposent des choses très spectaculaires (Meta’s New AR Glasses Let You Touch The Virtual World, AR startup Blippar has launched the visual browser, The eSight 3 is an augmented reality headset designed to help the legally blind see), voir un peu trop spectaculaire pour être vraies (Magic Leap is actually way behind, like we always suspected it was, First photo of Magic Leap prototype leaks).
Et au milieu de toute cette débauche technologique, on retrouve Snapchat qui ne fait pas beaucoup de bruit, mais développe petit à petit les usages avec une approche pragmatique (Snapchat adds world lenses to further its push into augmented reality) et semble nous réserver quelques surprises (Snap’s ‘Spectacles’ have a hidden augmented reality feature).
Des usages clairement identifiés
Si nous mettons de côté la réalité augmentée “sonore” qui existe depuis plusieurs décennies, un certain nombre d’usages ont été éprouvés il y a quelques années avec les Google Glass (Quels usages pour les lunettes Google Glass ?). Certains considèrent ce produit comme un échec parce qu’ils ont retiré le produit du marché. Je considère au contraire que c’est une flamboyante réussite, car cette expérimentation a eu un impact médiatique considérable et a surtout permis de soulever un certain nombre de sujets non techniques (confidentialité, acceptabilité par le grand public…). Sachez enfin que la projet n’est pas tout à fait enterré, puisqu’il a été renommé Glass at Work et s’oriente vers des usages BtoB (Les lunettes Google Glass trouvent une seconde vie dans les usines).
C’est dans le domaine professionnel, et notamment dans la maintenance, que l’on trouve les usages de réalité augmentée les plus intéressants, ceux qui délivrent le plus gros ROI : How Caterpillar is developing virtual and augmented reality to design and service heavy equipment.
Pour ce qui est des usages BtoC, en dehors des jeux, on ne trouve que quelques rares exemples dans l’éducation ou dans le monde du tatouage : InkHunter’s AR tattoo app exits beta on Android as startup looks to wider, B2B play.
En revanche, il existe quantité d’applications possibles pour les marques et distributeurs : notamment dans l’immobilier, la distribution (The Top Examples of AR in Retail), l’automobile, l’alimentaire (Faire ses courses en réalité augmentée), le médical (Augmented reality treatment reduces phantom pain in missing limbs), la beauté (Sephora is betting big on augmented reality for beauty, ModiFace can livestream how you’d look with makeup in real time)…
La palme revient selon moi à Hyundai qui propose une application mobile de prise en main du véhicule : Hyundai’s augmented reality app helps idiot-proof car maintenance.
Comme vous pouvez le constater, les usages se développent lentement, mais sûrement, tandis que la partie logicielle (software) s’étoffe, notamment avec les outils de création lancée par Facebook, Blippar ou autres (Zappar raises $3.75 million for AR and VR creation tools). En revanche, tout ceci nous ramène invariablement vers le smartphone.
Un gros problème de hardware à régler
Si les usages de la réalité augmentée se développent à vitesse grand V sur les smartphones, l’adoption de matériel dédié est nettement plus problématique. D’une part, les fameuses lunettes (ou plutôt masques) de RA coûtent cher, mais elles ont un problème d’autonomie, voire de performance, car le repérage dans l’espace (position et mouvements) de même que l’identification des formes et volumes alentour sont des tâches extrêmement complexes à réaliser d’un point de vue informatique. Comprenez par là que la partie matérielle (hardware) est très loin d’être au point , c’est pourtant une des conditions de succès (Here’s What It’s Going to Take For Augmented Reality to Take Over The World).
Si tout le monde bave devant une version augmentée de Minecraft, nous sommes encore en attente d’un masque fiable, abordable et prêt à l’emploi. De ce point de vue là, les produits de réalité virtuelle semblent en avance.
Peut-être verrons-nous un jour arriver les lentilles de contact de réalité virtuelle, mais ce jour n’est clairement pas pour demain. Le problème est que les consommateurs privilégient pour le moment leur smartphone, qui leur offre par ailleurs de très belles expériences à vivre aussi bien en réalité virtuelle qu’augmentée. Donc pour le moment, la réalité augmentée s’aborde par le petit bout de la lorgnette.
Quels enjeux pour les annonceurs ?
Nous en venons à la partie centrale de cet article : la réalité augmentée est-elle une innovation viable pour les marques ? À cette question, je répondrais : oui, très clairement, mais son potentiel ne sera pas délivré à court terme. Comme pour la réalité virtuelle, les interfaces vocales ou les intelligences artificielles, la réalité augmentée est un champ d’expérimentation indispensable, mais avec une courbe d’apprentissage assez longue. Le jeu en vaut néanmoins la chandelle, car la réalité augmentée est plus accessible que la réalité virtuelle pour le grand public, mais avec un potentiel tout aussi intéressant.
Avant de maitriser la réalité augmentée, les annonceurs devront investiguer dans plusieurs directions :
- comprendre les usages proposant la plus forte valeur ajoutée pour leurs clients et prospects (ex : un constructeur automobile vs. un dsitributeurs dans l’habillement) ;
- trouver les contenus et services les plus pertinents en fonction de l’existant et des besoins des clients ;
- bien appréhender le vocabulaire graphique et ergonomique des interfaces de réalité augmentée ;
- choisir la bonne plateforme de distribution et tenir compte de l’ensemble des contraintes techniques.
Oui je sais, ça fait une ligne budgétaire supplémentaire à ajouter à une liste qui est déjà longue, mais vous ne pouvez pas vous permettre de rater le train, car d’autres se sont déjà lancés il y a bien longtemps (pour mémoire, converse proposait une application mobile en 2010 !).
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire : cette troisième vague d’innovations numériques est bien plus disruptive que les deux précédentes, il faut vous y préparer dès maintenant sinon vous finirez terriblement dépendants de prestataires qui se feront une joie de rentabiliser leur savoir-faire.
Ray-Ban fait de la réalité augmentée B2C depuis 2009.
Oui ça ne nous rajeunit pas…
La réalité augmentée est bénéfique et pour les consommateurs et pour les vendeurs. Mais dans d’autres activités, je ne sais pas encore. Pour les musées, c’est bien aussi.