Il n’y a plus de marketing digital, mais du marketing pour des clients digitaux

J’imagine que vous avez forcément dû lire dans les derniers mois un article prophétisant la fin du e-marketing et l’avènement de telle ou telle nouvelle pratique (ex : growth hacking…). Le point commun de ces articles est le déficit d’attention des consommateurs (Revenge of the Goldfish: Marketing to the 8-Second Generation) et l’impératif de les émerveiller à chaque instant sinon… sinon on ne sait plus trop quoi en fait, puisque de toute façon il est communément admis que les clients sont satisfaits, mais pas fidèles. L’erreur que vous pourriez faire est de prendre cette assertion au pied de la lettre sans chercher à définir précisément ce que l’on entend par “satisfaits” (à partir de quel taux de satisfaction peut-on considérer qu’un client est satisfait ?) et par “fidèles” (à partir de combien d’achats successifs ou de quelle récurrence peut-on décréter qu’un client est fidèle ou non ?). Bref, les généralités et les poncifs s’installent et on se retrouve à passer d’une tactique d’activation à une autre, sans chercher à suivre un cap.

Le marketing est mort, vive le marketing

Définir ou redéfinir ce qu’est le marketing est devenu comme un rituel pour moi. Non pas que je souhaite trouver la définition ultime, mais le sujet est complexe et ça me travaille. Nous sommes en 2016 et la transformation digitale de la société et des marques bat son plein (enfin pas pour tout le monde, mais c’est un autre débat). Et dans ce processus d’évolution, le marketing a pris une place tellement importante au sein des différentes organisations qu’il est bien souvent au premier plan (Le marketing est le catalyseur de la transformation digitale). Ceci n’est pas étonnant dans la mesure où les actions de marketing / communication sont la partie la plus visible d’une marque. À partir du moment où les supports numériques dépassent les supports analogiques (cf. le 16ème Observatoire de l’e-pub SRI), on se dit forcément que ça ne rime plus à grand-chose d’isoler le numérique dans un coin de l’organisation là où quelqu’un d’autre peut s’en occuper. D’où toutes ces interrogations sur le e-marketing.

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Voilà près de 20 ans que je travaille dans le web, deux décennies pendant lesquels les pratiques de web marketing ont bien trop souvent été réduites à des campagnes d’e-mailing ou de bannières. Sauf que la situation à changé : les consommateurs passent plus de temps devant des écrans numériques (ordinateur, smartphone, tablette) que devant la sacro-sainte TV, et près d’1/4 d’entre eux utilisent des bloqueurs de bannières. Il est urgent de prendre un peu de recul et de constater à quel point le marché a été transformé :

 

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En lisant ceci, vous pourriez en déduire que tout est à revoir. Oui effectivement, les pratiques sont impérativement à faire évoluer, mais les fondamentaux du marketing restent les mêmes :

J’ai l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en déblatérant ces généralités, mais je constate au quotidien un écart gigantesque entre le discours des annonceurs (“nous plaçons le client au centre“) et ce qu’ils délivrent en matière d’expérience ou de campagnes : on nous prend VRAIMENT pour des cons, ou au mieux, pour des vaches à lait (pour vous en convaincre, ils vous suffit d’allumer votre TV).

Mais tant qu’il y aura des acheteurs et des vendeurs, rien n’est perdu, il suffit d’adapter le marketing à son nouvel environnement. Oublions donc les notions du XXe siècle comme les zones de chalandise ou l’indice de pression publicitaire, car nous sommes dans une nouvelle ère : celle de l’économie de l’attention (avez-vous la capacité de produire des contenus à valeur ajoutée ?) et de l’économie de l’occupation (savez-vous contextualiser vos offres et messages ?).

Le mythe du marketeur x 10

Je sais ce que vous vous dites : “Envoyer le bon message à la bonne personne au bon endroit au bon moment ? C’est le baratin habituellement utilisé par les vendeurs de solutions“. Certes, il y a eu et il y aura toujours des abus, mais les outils font partie du problème et de la solution, ils sont indispensables pour passer à des pratiques de marketing modernes.

Trouveriez-vous normal qu’un bûcheron découpe des arbres avec une simple hache ou qu’un agriculteur travaille ses champs avec une bêche ? Non, car les outils modernes sont là pour les aider à être plus productifs. Il n’y a vraiment aucun intérêt à couper du bois “à l’ancienne”, si ce n’est d’un point de vue récréatif, ou pour faire une publicité pour un déodorant. Pour le marketing, c’est la même chose : à partir du moment où les clients sont 10 fois plus durs à cibler et à transformer, si vous ne vous équipez pas des outils vous permettant de décupler votre productivité / performance, vous perdrez forcément du terrain. Est-il raisonnable de penser que les outils de marketing automation peuvent multiplier par 10 les résultats d’une campagne ? Il n’y a pas de bonne réponse à cette question (cf. The 10x Marketer: Marketing Magician or Detrimental Distraction?). Mais ce qui est certain, c’est que vous ne pourrez en aucun cas continuer à délivrer les mêmes résultats en utilisant des pratiques et outils du siècle dernier.

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Puisque les clients ont changé, il est normal que les marketeurs changent également : nouveaux outils, nouvelles pratiques, nouvelles ambitions… et surtout nouvelle mentalité. Recruter un marketing technologist peut être utile pour donner un coup de main sur les chantiers les plus urgents, mais c’est avant tout d’un changement culturel dont les entreprises ont besoin : arrêter de penser qu’il y a les “vrais clients” (ceux qui fréquentent les magasins et que l’on croit connaitre) et les cyber-acheteurs (ceux que l’on ne croise pas physiquement, mais que l’on peut tracker à la perfection). En fait, c’est tout l’inverse !

Conclusion : il n’y a pas de e-marketing ou de marketing traditionnel, il y a du marketing pour des clients dont le quotidien est de plus en plus lié au numérique. Vous n’avez plus le luxe de regretter la bonne vieille époque, car elle est définitivement révolue et car l’horloge tourne. Il faut maintenant aller de l’avant et essayer de rattraper le retard accumulé par rapport à un marché qui évolue bien plus vite que les entreprises qui le composent.