D’après une étude de PwC, les intelligences artificielles devraient nous aider à faire croître le PIB de 14% au niveau mondial (IA : un potentiel de 15.700 milliards de dollars de gains pour l’économie mondiale d’ici 2030). Je ne sais pas pour vous, mais je n’ai pas vraiment commencé à en voir la couleur, pas un centime ! S’il est vrai que nous approchons du seuil de saturation médiatique pour les IA, avec tout son cortège de promesses farfelues (J’ai travaillé pour des menteurs), un écosystème est petit à petit en train de se structurer et d’apporter des solutions concrètes aux marketeurs et annonceurs. Je vous propose d’en découvrir le panorama pour vous aider à mieux en appréhender le potentiel.
L’IA a largement atteint le pic des attentes exagérées
Le bruit médiatique autour des intelligences artificielles a commencé l’année dernière avec les chatbots, puis avec les interfaces vocales et Alexa, ça a progressivement monté en puissance pour finir en véritable cacophonie : il y a ceux qui annoncent la fin du monde pour se faire mousser (Elon Musk says AI could lead to third world war), ceux qui relativisent (Facebook CEO Mark Zuckerberg: Elon Musk’s doomsday AI predictions are ‘pretty irresponsible’), ceux qui en rajoutent une couche histoire d’être sûr d’occuper la scène médiatique pour mieux vendre leur programme spatial (Elon Musk says Mark Zuckerberg’s understanding of AI is ‘limited’)… et il y a surtout ceux qui ont ne vraie vision opérationnelle (Google’s AI chief thinks reports of the AI apocalypse are greatly exaggerated). Du coup, la grogne monte chez les acteurs légitimes (IA washing : des experts dénoncent le recours abusif au terme “intelligence artificielle”).
En synthèse : les intelligences artificielles fascinent autant qu’elles effraient. On les critique ouvertement, mais dans le doute, tout le monde aimerait bien participer à cette ruée vers l’or (digital). Je me suis déjà exprimé récemment sur le sujet (Pourquoi les IA vont continuer à bouleverser l’économie, comme elles le font depuis de nombreuses années), mais il y a tellement de choses à dire et beaucoup de manières d’aborder ce sujet que je m’y replonge pour tentent de vulgariser un concept qui existe depuis de décennies (il est toujours bon de le rappeler). Heureusement je ne suis pas le seul à faire de la pédagogie : Douze mythes de l’intelligence artificielle.
Pourquoi avons-nous besoin des IA ?
Tout cet emballement médiatique autour des IA peut sembler incongru dans la mesure où nous nous sommes à priori plutôt bien débrouillés sans elles auparavant. Oui, mais ça, c’était avant. Avant que les consommateurs adoptent des comportements chaotiques (satisfaits, mais pas fidèles). Avant que l’attention des utilisateurs soit éparpillée sur de nombreux supports (De la complexité des écosystèmes numériques du XXIe siècle). Avant que les plateformes numériques ne reconfigurent l’économie et les marchés (Transformation digitale : pourquoi maintenant ?). Avant que nous entrions dans une ère où l’incertitude est la norme (Quels outils et pratiques marketing dans un monde VUCA ?). Nous ne parviendrons certainement pas à nous mettre d’accord sur le fait que c’était mieux avant ou pas, mais nous sommes au moins touts d’accord pour dire que l’environnement concurrentiel est très différent de ce qu’il était il y a encore 20 ans, sommes toute une courte période à l’échelle de l’économie mondiale.
En synthèse : le monde a changé, et il va à nouveau changer avec l’avènement des intelligences artificielles. Que vous soyez pour ou contre n’y change rien : les IA sont là pour rester et il va falloir faire avec, d’autant plus si vos concurrents y ont recours. Dans un environnement ultra-compétitif, avec des comportements d’achat plus complexe, un écosystème média toujours plus dense et une avalanche de données, il apparait comme évident que nous avons atteint les limites de la masse d’informations et signaux qu’un être humain est capable de traiter. Les intelligences artificielles sont là, entre autres choses, pour nous soulager dans la fastidieuse tâche d’analyse des données.
Vous connaissez certainement la citation de John Wanamaker : “Je sais que la moitié des sommes que je dépense en publicité l’est en pure perte, mais je ne sais pas de quelle moitié il s’agit“. C’est à ça que vont servir les IA : mieux observer, analyser, mesurer… C’est la fin du spray & prey.
Les IA au service du marketing et de la publicité
J’ai vu passer pas mal d’articles très optimistes ces dernières semaines (86 % des marketeurs souhaitent utiliser l’IA, Les marketeurs misent sur le prédictif, When websites design themselves…) et même des théories étranges comme The 5Ps of Marketing Artificial Intelligence. Comme c’est souvent le cas, on s’emballe pour une “nouvelle” technologie ou pratique (ex : marketing 1to1, Ajax, chatbots…), mais il faut savoir discerner le bon grain de l’ivraie. Oui, il y a beaucoup d’usurpateurs et de bluff dans tout ce ramdam médiatique, mais il y a surtout un potentiel gigantesque. Les IA sont-elles l’avenir du marketing ? Oui très clairement, les IA sont l’avenir du marketing moderne, et elles vont aussi révolutionner les pratiques de communication et de publicité. Certains annonceurs annoncent des résultats très impressionnants : Cosabella’s other AI raised website conversions by 38%, mais ne vous leurrez pas : elles ne vont certainement pas faire le boulot à votre place.
Pour vous aider à vous y retrouver dans ce foisonnement, je vous propose un panorama (non exhaustif) des solutions d’intelligence artificielle dédiées au marketing. Ce panorama est le fruit d’un intense travail de recherche et e synthèse, pour lequel j’ai été aidé par François Ziserman (mon ancien co-rédacteur sur RichCommerce.fr) qui connait bin le secteur puisqu’il édite une solution depuis 5 ans (Target2Sell). Un grand merci pour son aide.
Les différentes solutions présentées dans ce panorama sont réparties par grandes fonctions au sein de trois grandes familles :
- les solutions relatives à l’acquisition de trafic (segmentation, scoring, ciblage…) ;
- les solutions relatives à la transformation des visiteurs ou cibles (personnalisation, recommandation, optimisation des contenus et enchères…) ;
- les solutions de fidélisation (agents conversationnels, automatisation des échanges, analyse comportementale, attribution…).
Le panorama suivant vous donne un bon aperçu de la richesse de l’écosystème :
La répartition des solutions au sein de ces grandes familles s’est faite en fonction de l’activité historique” des fournisseurs, car nombreux sont ceux qui prétendent pouvoir faire tout ça en même temps. Ceci étant dit, il se trouve que certains éditeurs proposent des offres complètes qui couvrent plusieurs fonctions : Adobe avec Sensei, SalesForce avec Einstein, IBM avec Watson (qui est plutôt une IA-as-a-Service qu’une solution), Retention Science, Boomtrain et Albert.
Sinon, vous trouverez dans ce panorama les grandes fonctions déjà évoquées dans des articles précédents :
- l’analyse d’audience et la segmentation, généralement au sein d’une Customer Data Platform, comme c’est le cas pour Kahuna, AgilOne, Tealium, Lytics, Drawbridge ou Optimove ;
- le scoring des clients / prospects et le ciblage de ceux présentant le plus de potentiel avec des solutions comme Influans, Mintigo, Ascent360, Fuse machines, Amplero, Node ou CaliberMind ;
- l’identification visuelle du contexte pour optimiser l’impact des bannières, notamment chez GumGum et Uru ;
- la personnalisation des pages et la recommandation de produits chez LiftIgniter, Target2Sell, RichRelevance, Apptus et Prudsys ;
- la création de contenus (automatique ou assisté) proposée par Persado, Phrasee, Syllbas, Narrative Science, Atomic Reach ou Rocco ;
- l’optimisation des pages (choix des éléments graphiques, illustrations, contenus mis en avant, parcours de navigation…) et autres supports (email, annonces textuelles…) chez Sentient Ascend, AB Tasty, Optimizely, OneSpot, ReFUEL4, Motiva IA ;
- le pilotage automatisé des campagnes avec Absolutdata, Google, Pega ou Hunch ;
- les agents conversationnels proposés par iAdvize, Conversationnel, Assist ou Conversica ;
- l’automatisation du support client avec Eptica et Digital Genius ;
- l’analyse comportementale (conversations, interactions avec le service client…) chez Invoca, Luminoso, Clarabridge, Cortex, Crimson Hexagon et Gong ;
- le calcul de l’attribution et de prédictions proposé par Appier, RocketFuel, Infogix, Mass Analytics et Velocidi.
Comme vous pouvez le constater, le marché est en train de se structurer autour de nombreux acteurs. Et je peux vous assurer que les choses bougent très vite.
Des résultats probants, mais de nombreuses peurs latentes
Dès que l’on commence à s’intéresser de près à l’utilisation d’intelligences artificielles dans un cadre marketing ou publicitaire, la première chose qui choque est le nombre de cas client qui justifient le recours à des IA. Les chiffres annoncés dans ces success stories sont parfois tellement élevés que l’on a du mal à y croire. Et pourtant, ce ne sont pas des statistiques annoncées au hasard, mais des gains estimés à partir des résultats constatés. François de Target2Sel m’expliquait ainsi qu’ils ont réussi à améliorer la performance du site des Galeries Lafayette de 18%. Le problème est que ces 18% de gains ne concernent qu’un petit périmètre du site (uniquement les pages de liste et les pages de résultats) et qu’ils n’ont pas accès à la totalité du site.
(au passage, je précise que j’adorerais interviewer un responsable de la boutique en ligne pour en savoir plus sur leur démarche et leur feuille de route)
Si les IA apportent un si gros bénéfice, pourquoi ne sont-elles pas utilisées plus souvent ? D’après François, cela est dû à plusieurs facteurs :
- les décideurs ou acheteurs ont beaucoup de mal à identifier les bons prestataires par manque de compétences techniques (il faut dire que l’ont peut facilement se perdre dans des débats d’experts) ;
- l’absence de culture data dans la majorité des entreprises, qui fait que le volume de données disponible est plutôt faible (comprenez par là : insuffisant pour que les solutions puissent produire des améliorations notables) ;
- une réelle réticence a confier le business à une machine.
Il persiste donc des freins psychologiques non négligeables à l’adoption des intelligences artificielles. Pourtant le principal intérêt des IA est de pouvoir analyser de très grandes quantités de données en un temps record, elles sont donc le parfait complément des collaborateurs humains dont le rôle n’est en rien remis en cause. Il y a une énorme marge de progression pour équiper un marché quasi vierge.
De quoi avez-vous besoin pour vous y mettre ?
Comme précisé en début d’article, de nombreux prestataires vous vantent des solutions “clé en main” qui sont capables de délivrer un bénéfice immédiat. ** Spoiler alert : ça n’existe pas **. Il y a de nombreux prérequis pour pouvoir augmenter vos performances de façon significative grâce aux IA et vous démarquer de la concurrence (cf. AI hype has peaked so what’s next?).
Avant de vous lancer dans l’aventure, assurez-vous de plusieurs choses :
- d’avoir suffisamment de données disponibles et dans un environnement adéquat (ex : customer data platform) ;
- de pouvoir dégager du temps auprès d’experts dans votre domaine capables d’identifier les bonnes caractéristiques d’un jeu de données et de valider les recommandations d’optimisation émises par les IA ;
- d’avoir accès aux bons décideurs pour pouvoir connecter les IA aux outils métiers (ex : gestionnaire de campagnes, plateforme e-commerce…) et leur permettre de faire des optimisations en temps réel ;
- d’avoir suffisamment de temps et d’énergie pour mesurer l’impact des optimisations menées par les IA, comprendre leur logique et contribuer à votre tour à cette optimisation par le biais de réglages complémentaires.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, les données sont une des composantes essentielles de toute initiative relative aux IA (La bataille de la publicité se gagnera grâce à la data). Sans un volume de données suffisamment grand et une capacité à les manipuler ou les enrichir, n’espérer de gains de performance significatifs. La donnée est très clairement le principal facteur-clé de succès ou d’échec, mais il y en a d’autres, à commencer par vos équipes internes.
Déjà que la transformation digitale est un cap important à passer pour des collaborateurs qui n’aiment globalement pas trop le changement, l’usage d’intelligences artificielles est un véritable choc psychologique pour un certain nombre de personnes qui se méfient de ce qu’ils ne comprennent pas. Il est donc INDISPENSABLE de prendre en compte le facteur émotionnel et de bien expliquer le rôle des uns et des autres (cf. De l’importance des données (et des humains) pour le machine learning).
Je n’ai de cesse de la répéter : nous n’avons jamais été dans une période aussi intéressante, car d’innombrables opportunités s’offrent à nous pour nous remettre en cause et découvrir de nouvelles pratiques, surtout dans le marketing ! Et ne vous faites pas d’illusions : la mise en place d’équipes mixtes (IA + humains) n’est pas une hypothèse, c’est une nécessité pour faire face à une concurrence acharnée. Prenez donc le temps d’étudier les différentes solutions citées plus haut et ne vous laissez pas dominer par la peur irrationnelle des machines. Les intelligences artificielles ne sont pas nos ennemies, contrairement à la peur du changement.
Bel article. Innombrables solutions et acteurs de l IA au service de la résolution de problèmes marketing complexes pour libérer du temps à l’intelligence humaine, sa créativité et son innovation?
Article très pertinent sur l’IA : je partage tout à fait vos opinions !
Bravo intéressant panorama. Ce serait utile de distinguer BtoB du BtoC car on est pas vraiement sur les mêmes enjeux … Dans scoring et ciblage :
il manque TinyClues (BtoC)
Predicsis est en liquidation judiciaire.
Fuse.machine, CaliberMind, Mintigo sont des pures BtoB
Ascent 360 est un CDP avec peu d’IA
Amplero est BtoC avec de l’IA
Optimove (BtoC) devrait être dans cette catégorie.
Bien à vous et joyeux Noel.
Bruno FLORENCE
Merci pour ces précisions. Les changements seront visibles dans la nouvelle révision du schéma (j’en suis déjà à la version 1.4)
Bonjour et Merci pour votre analyse à laquelle j’adhère totalement. Pour être exhaustif, il faudrait ajouter Etic Data pour la modélisation prédictive du comportement d’achat (BtoC). Bonne année 2018 à vous !
Bonjour, merci pour le partage cependant je suis surpris de ne pas avoir apparaitre Oracle Marketing Cloud dans cette liste