De l’apport de l’intelligence artificielle pour la quatrième révolution industrielle

Le sujet de la transition numérique bat son plein, de même que celui de l’industrie 4.0, de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle, de la blockchain, de l’informatique quantique… Tout ce qui touche au numérique est aujourd’hui présenté comme révolutionnaire, comme si une innovation en chassait une autre. Si l’évolution des technologies et usages est bien réelle, elle n’est pas forcément disruptive et s’inscrit dans une cadre industriel, économique, culturel, sociétale, politique… mais sur une échelle de temps plus longue qu’on ne le pense. La quatrième révolution industrielle que nous sommes en train de vivre est ainsi la résultante d’une transition numérique qui dure depuis près de 20 ans et qui s’accélère avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle.

La quatrième révolution industrielle est numérique

Je suis tombé ces dernières semaines sur plusieurs publications qui lient la transformation numérique avec la quatrième révolution industrielle et l’évolution plus globale de notre société : The Industry 4.0 paradox de Deloitte, Industrie du futur, prêts, partez ! de l’Institut Montaigne, et Agile Cities: Preparing for the Fourth Industrial Revolution du World Economic Forum.

Loin de moi l’idée de vouloir remettre en cause ces publications qui sont tout à fait sérieuses. Car il faut bien se rendre compte que nous sommes dans un contexte économique et industriel très différent de ce qu’il était encore il y a 5 ans, qui contraste encore plus avec ce qu’il était au début du siècle. Les progrès récents en matière de captation et gestion de la donnée (IoT, big data), de traitement de la donnée (intelligence artificielle), de médias alternatifs (réalité augmentée, virtuelle, mixte), d’automatisation…. bouleversent les pratiques et redéfinissent les chaines de valeur.

Industrie-numerique

Chacune des publications citées précédemment aborde le sujet de la transformation digitale / industrie 4.0 selon un angle différent, mais elles tournent toutes grosso modo autour de l’impact du numérique sur l’industrie, la consommation, l’emploi, l’aménagement du territoire… En résumé : le numérique est le plus petit dénominateur commun de ces changements. Pour bien se rendre compte de l’importance qu’à prit le numérique, il suffit de constater l’évolution des plus grosses capitalisations boursières : Largest companies 2008 vs. 2018, a lot has changed.

Global-companies-2008-18

Personne ne peut aujourd’hui minimiser la main mise du numérique sur l’économie mondiale. Une main mise qui va d’ailleurs bien au-delà des frontières de la bourse, car les géants du numérique (GAFAM, BATX, NATUS…) font bouger les lignes et façonnent un nouvel ordre mondial. Ce grand bouleversement a été officialisé comme la quatrième révolution industrielle.

Pour résumer une longue explication :

  • La première révolution industrielle est celle du charbon et des premières machines vapeur qui sont apparues au 18e siècle. Cette révolution correspond au basculement d’un monde agricole vers un monde industrialisé.
  • La deuxième  révolution industrielle est arrivée avec le pétrole et la généralisation des moyens de transport modernes (avion, cargos…). Cette révolution par les transports a contribué à la réduction des distances et la conquête du territoire par l’homme dès la fin du 19e siècle (importations / exportations mondiales).
  • La troisième révolution industrielle à été celle de l’énergie, avec la domestication de l’électricité (principalement grâce au nucléaire) qui a permis l’explosion de l’électronique au 20e siècle et la généralisation de l’outil informatique et des robots. Cette révolution était celle de l’automatisation de la production.
  • La quatrième révolution industrielle a commencé au début du 21e siècle avec la généralisation de l’internet. Les supports et outils numériques facilitent ainsi la circulation de l’information, abolissent les contraintes d’espace et de temps (notamment grâce aux smartphones qui offrent une connexion ininterrompue). La révolution numérique est celle de l’optimisation de la cadence et de la performance (faire plus, plus vite).

Nous sommes donc en plein dans la quatrième révolution industrielle, dans une phase où l’humanité s’interroge sur cette course à la productivité et sur la nécessite d’optimiser la consommation des ressources qui ne sont pas infinies (faire plus avec moins). Dans la mesure où je ne suis pas légitime pour parler d’environnement, je préfère ne pas rentrer dans le sujet de l’écologie.

Si le 20e siècle ressemblait à une surenchère pour produire toujours plus, le 21e siècle semble aller dans la direction inverse, celle de la personnalisation. Avec le numérique, nous assistons à la fin de la course à la massification (production de masse, distribution de masse, médias de masse…). Face à une attention et une consommation fragmentée, les économies d’échelle ne sont plus opérantes. Nous troquons donc de la puissance (industrielle) contre de la précision et de la personnalisation qui peut aussi être industrialisée. Le secteur des adtech est le parfait exemple de ce paradigme : s’outiller pour pouvoir délivrer un message adapté au profil de millions de cibles différentes, le tout en quelques dixièmes de seconde.

Cette recherche de l’optimisation des ressources, de l’individualisation de l’offre et des messages a un impact direct sur les médias (fin de la grille de programme et explosion de la VoD), les transports (co-voiturage, VTC, trottinettes et vélos partagés), la distribution (livraison dans les 2h, même de produits frais), la banque (recommandations patrimoniales automatisées), la santé… Un impact que l’on peut déjà constater : Un médecin à distance sur smartphone ce n’est pas du futur.

Après deux décennies d’outillage (généralisation du cloud computing, des solutions SaaS et des smartphones), la quatrième révolution industrielle est en phase d’accélération et elle engendre de fortes répercutions sur le marché du travail, notamment en ce qui concerne l’automatisation (cf. le rapport du gouvernement sur l’Intelligence artificielle et travail qui analyse trois secteurs d’activité (transports, banque et santé), élabore des scénarios d’évolution et propose des pistes d’action.

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Ce rapport est assez complet et plutôt éclairant sur le rôle que jouent l’IA et le numérique dans l’évolution du travail et de l’économie. Mais son impact ne se limite pas au monde professionnel.

La quatrième révolution n’est pas qu’industrielle

Comme précisé dans l’introduction, la quatrième révolution, n’est pas qu’industrielle, mais la somme de mini révolutions qui reconfigurent notre quotidien et nos sociétés :

  • Une révolution économique. Le numérique stimule la redistribution de la production via les plateformes numériques. Il permet également à des acteurs de petite taille d’émerger (ex : les micro-marques ou DNVB).
  • Une révolution culturelle. Les médias numériques abolissent les frontières et stimulent un grand brassage culturel avec l’avènement de plateformes de contenus à accès libre (YouTube, SoundCloud…) ou à l’abonnement (Netflix, Spotify…). Ces plateformes favorisent la circulation de contenus culturels locaux (ex : la hard bass de St Petersburg) et facilitent la superposition des mouvements culturels (ex : le Nintendocore, mélange de hardcore, death metal et J-pop).
  • Une révolution sociétale. Le phénomène des fake news est certainement le plus emblématique de ces deux dernières années, il est maintenant à peu près bien appréhender par le grand public, même s’il continue de bouleverser l’information et divise les classes (les vérités des uns sont les fake news des autres). De même, l’application de rencontre Tinder a modifié de façon considérable les attentes des jeunes en matière de vie de couple (Tinder makes users less likely to commit to relationship), tandis que les sites spécialisés ont permis de décupler les mariages de même sexe (How the internet has changed dating).
  • Une révolution politique. Les leaders populistes s’adressent maintenant directement au peuple via Twitter (Trump, Modi, Erdogan, Grillo, Salvini, Orban…) et contournent ainsi le filtre des médias. Certains en profitent même pour critiquer ouvertement les plateformes qui leur ont offert de la visibilité (Plaidoyer contre le populisme numérique).

Au final, la généralisation des supports, contenus et services numériques a généré des répercussions sur l’ensemble des facettes de la société (économique, culturelle, politique…). Le smartphone en est très certainement l’exemple le plus emblématique, pourtant lui aussi est la résultante de nombreuses innovations (miniaturisation des composants, numérisation de la musique, amélioration de la bande passante des réseaux mobiles…). Comme quoi, la révolution est la somme de multiples évolutions qui ont des répercussions les unes entre les autres. CQFD.

Le machine learning accélère la révolution numérique

Avec la généralisation du numérique, la production de données augmente de façon exponentielle : tout peut être capté, mesuré, partagé… Une explosion du volume de données qui se fait de concert avec la mise à disposition d’outils bien plus sophistiqués pour traiter de larges volumes de données, notamment les solutions de big data et les algorithmes de machine learning.

S’il est encore un peu tôt pour prédire le rôle que vont jouer des innovations récentes comme la blockchain, l’informatique quantique ou le graphène, le machine learning est d’ores et déjà à l’origine d’une nouvelle vague d’outils d’analyse de données et d’aide à la décision (cf. le très complet rapport d’Oliver Ezraty sur les usages de l’intelligence artificielle). Ces intelligences artificielles auto-apprenantes sont une évolution naturelle des systèmes experts reposant sur un ensemble de règles figées, mais elles ouvrent d’innombrables opportunités d’optimisation des performances ET d’utilisation des ressources. En quelque sorte, la quintessence de la quatrième révolution industrielle !

Avec les intelligences artificielles, nous ne pouvons pas réellement parler de rupture, car elles sont utilisées dans la banque, l’assurance ou le transport depuis plusieurs décennies (L’intelligence artificielle est un outil informatique comme un autre). En revanche, les récents progrès autour du machine learning participe à une accélération digitale de la transformation des pratiques et outils (La transition numérique a commencé il y a 20 ans, nous sommes maintenant dans une phase d’accélération digitale et L’accélération numérique est une réalité, et elle profite surtout aux GAFA). Une accélération numérique, stimulée par le machine learning, qui concerne à la fois les emplois manuels et intellectuels.

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C’est sûrement sur cette seconde catégorie de travailleurs que la révolution numérique est la plus palpable, car elle touche des professions dites “intellectuelles” que l’on pensait à l’abri de l’automatisation : radiologues, comptables, juristes, conseillers en gestion de patrimoine… (Google AI claims 99% accuracy in metastatic breast cancer detection). Le paradoxe de la révolution numérique est qu’il y a aujourd’hui une pénurie de plombiers et couvreurs, et des employés de bureau complètement paniqués à l’idée de perdre leur emploi (cf. The Future of Jobs Report du World Economic Forum). Rassurez-vous, si certaines prédictions sont très alarmantes (Forrester: 10% of U.S. jobs will be lost to automation in 2019), la réalité du terrain n’est pas aussi simple (PwC: Only 4% of executives say their business has successfully implemented AI), mais le potentiel est tout de même bien réel.

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Pour résumer : la quatrième révolution industrielle bénéficie de deux décennies d’adoption et de perfectionnement des supports et outils numériques, elle est aujourd’hui dopée par la montée en puissance du machine learning.

La question à laquelle beaucoup de mon essaye de répondre aujourd’hui est : le numérique a-t-il contribué à améliorer votre quotidien ? Je pense que si l’on vous retirait votre smartphone et tous vos outils numériques, vous seriez complètement perdu(e) et certainement sacrément désemparé(e). Pour ma part, je pense que l’on ne devrait pas opposer numérique et analogique, humains et machines, car nous vivons aujourd’hui dans un quotidien où les hommes et les machines entretiennent une relation symbiotique, mutuellement bénéfique, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure (We’re living in digital serfdom — trading privacy for convenience).

Ceci étant dit, les changements qu’induisent la quatrième révolution industrielle ne sont pas minimes, surtout d’un point de vue émotionnel. Il faudra un peu de temps avant que cette relation symbiotique se développe dans la sérénité, car la cohabitation homme / machine est quelque chose de nouveau, surtout quand il y a un lien de subordination, comme c’est le cas pour les chauffeurs de Uber qui sont d’un point de vue fonctionnel les employés d’un algorithme : If your boss is an app, what, exactly, are you?.

De nombreuses questions restent donc en suspend, notamment en ce qui concerne la dépendance au numérique, l’ingérence des nations étrangères à travers les cyber-intrusions, la domination des GAFA et plus généralement des plateformes numériques, l’impact écologique (et plus spécifiquement celui des cryptomonnaies)… mais avant toute chose, se pose la question du libre arbitre et la façon dont les bulles de filtres ont remodeler le paysage politique. Sur ce point-là, la réponse n’est pas technologique ou administrative, mais belle et bien humaine : si vous ne voulez pas être traité comme un mouton, ne vous comportez pas comme un mouton.

Il est donc de la responsabilité de chacun de conserver un esprit critique, de prendre conscience de son niveau de maturité numérique (De l’illectronisme à la pleine conscience numérique), de reprendre la main sur son quotidien et sur les outils qui l’animent, et de se motiver pour monter en compétences et ne pas se laisser distancer par cette quatrième révolution. Au final, ce que nous avons le plus à redouter, ce n’est pas une prise de contrôle des machines, mais un lâcher-prise des humains.

Un commentaire sur “De l’apport de l’intelligence artificielle pour la quatrième révolution industrielle

  1. Propaganda…

    Moi même je suis depuis des années le bon petit soldat de la fin de l’humanité… moi aussi je me demandais y a dèjà 10 ans pourquoi diable les enfants n’ont pas tous un ordinateur/tablette pour bosser… à quoi cela sert un prof ?!… y a qu’à suivre le cours sur le livre/ordi/tablette… bref un vrai petit soldat de la destruction du lien social et ce que fait qu’on est humain… encore maintenant je me dis quand je déprime.. le plus simple c’est qu’on soit tous contrôler par la machine… que l’algorithme décide pour nous.. la machine sera impartial.. en fonction des paramètres décidés par la majorité on devra suivre ses instructions.. elle nous surveillera.. personne ne pourra contourner les lois définis..

    Finalement, c’est peut être la seule solution…

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